[...]
Madame Dolé le dérangea doucement, ouvrit le volume, chercha rapidement
la rue des Cinq-Diamants, puis l'ayant trouvée, salua Gaspard d'un signe de
tête et sortit.
Gaspard resta quelques instants immobile, les yeux fixés sur une buire
dont les émaux bleus et rosés étaient rehaussés d'un cloisonné d'or. Puis il
se remit au travail.
II
Un plus érudit découvrira l'origine de ce nom singulier, la rue des Cinq-Diamants.
L'étude consciencieuse qui a été faite pour le vieux Paris tentera quelque
explorateur des anciennes banlieues annexées : et quel champ plus vaste sera
offert à sa curiosité que l'étrange et hideux quartier de la Butte-aux-Cailles ?
En vain Paris s'étend, en vain les boulevards lancent leurs percées d'air
et de lumière; il est encore au-delà de ces éclaircies salutaires, des régions
ignorées du Parisien, sortes d'ulcères honteux, cachés, dans lesquels devra
pénétrer un jour ce scalpel qui a nom la pioche des démolisseurs.
Mais auparavant, qui nous dira la signification de ces appellations singulières
: rue Croulebarbe, rue Fontaine-à-Mulard, — et entre toutes, — de celle-ci,
plus bizarre peut-être, rue des Cinq-Diamants?
Ne vous semble-t-il pas que cela évoque une curieuse légende, quelque chose
comme un conte de fées, avec son trésor caché et ses gnomes qui le gardent jalousement ?
La rue des Cinq-Diamants commence au boulevard d'Italie pour finir à la rue
de la Butte-aux-Cailles.
C'est le début de la montée : on devine que c'était là jadis un simple
sentier gravissant la pente de la colline. Des haies de broussailles s'enchevêtraient
aux deux côtés aujourd'hui garnis de masures.
Les aubépines et les houx arrachés, on n'a pas encore eu le temps d'élever
des maisons. Ces vastes terrains sont couverts de bâtisses de planches.
Le passant, jetant un rapide coup d'œil à travers les allées sombres ou cherchant
à percer du regard les vitres sales, ne voit rien et devine tout.
C'est la misère, c'est l'indifférence pesante dans laquelle s'immobilisent
ceux qui ont souffert; ainsi toute ville a des refuges pour les fuyards, évadés
de la lutte sociale. Là ils se terrent, se taisent et se laissent glisser, sans
plus résister, sur la pente qui tombe à l'abrutissement et à la mort.
Si parfois en l'un de ces parias quelque énergie se réveille, s'il secoue
sa torpeur, c'est pour le crime.
Donc ce sommeil même est une menace, ce silence est effrayant.
L'homme qui, connu de tout Paris, irait, à la suite d'une catastrophe, ou
bien pris de dégoût, se cacher dans ces thébaïdes serait certain d'y rester
à jamais ignoré.
Une de ces masures, haute de deux étages, portait, sur un écriteau noir,
quelques lettres effacées où un Champollion aurait pu lire ces mots : Cabinets
garnis.
Sur la rue, d'un côté, une boutique, — un autre de ferrailleur; — de l'autre,
un magasin sans volets, aux carreaux cassés, vide. Du reste, la boutique du
ferrailleur n'était pas plus peuplée que l'autre, et, sur un carré de carton,
qui semblait inamovible, ceci était écrit : S'adrecer ô 25.
Entre ces deux… sinécures, une porte bâtarde, étroite, gueule noire, ouverte
sur un trou sombre qui est un couloir. Au bout en tâtonnant, on trouvait un
escalier, échelle glissante, visqueuse, arrêtant le pied à chaque marche, comme
pour l'avertir de n'aller pas plus loin.
Vides les deux chambres du premier étage, louées sans doute à quelques misérables
occupés pendant le jour à des industries sans nom.
Enfin des deux chambres du second, sous le toit, une seule habitée.
Un homme y était assis sur le grabat qui prétendait au titre de lit. À quelques
pas de lui une malle ouverte, pleine d'effets jetés pêle-mêle et qui semblaient
des haillons.
Auprès de la fenêtre, une table et une chaise. Sur la cheminée, une cuvette
égueulée. À terre, rien que le carreau nu et malpropre.
C'était cet homme qui attendait madame Dolé. C'était cet homme qu'elle avait
aimé !...
Serré dans un paletot râpé, dont les manches trop courtes laissaient passer
des mains longues, aux muscles en saillie, cet homme tenait les yeux obstinément
fixés sur la porte.
À ses pieds gisait un chapeau mou à teintes rouges.
— Viendra-t-elle ? murmura-t-il. Quelle heure est-il ?
Il tira de son gousset une de ces grosses montres de cuivre sur lesquelles
le Mont-de-Piété ne prête rien.
— Quatre heures, fit-il, j'ai froid… et puis quelque chose de plus. J'ai
faim.
C’est un quartier peu connu des Parisiens que celui qui se trouve entre la Maison-Blanche et la Glacière ; on sait vaguement qu’il y a quelque part par là une petite vallée, mais comme la rivière qui l’arrose est la Bièvre, on dit et l’on croit que cette vallée est un des endroits les plus sales et les plus tristes de la banlieue de Paris. Il n’en est rien cependant, et l’endroit vaut mieux que sa réputation.
Il habitait tout là-bas, aux Gobelins, dans un pâté de bicoques en carton que bousculent des rues à noms magnifiques rue des Cinq-Diamants, rue de l'Espérance, rue de la Butte-aux-Cailles…
L'antre de « la Baleine » donnait sur la rue Jonas, comme nous l'avons dit. Cette rue au nom biblique se trouvait dans un grouillement de petites voies étroites, courtes, basses, tortueuses, qui forment un coin à part dans ce quartier.
Ma « clientèle » de la rue Sainte-Marguerite disparaissait peu à peu. Elle s'était réfugiée cité Doré, qui donne rue Pinel et boulevard de la Gare, ou cité Jeanne-d'Arc, près de la rue Nationale, dans le treizième arrondissement.
Dans le quartier des Gobelins, un gymnase. Des athlètes donnent une représentation suivie par une foule fervente. Dans cette foule un couple a attiré l’attention du narrateur. Elle, Zizine, femme superbe ; lui, petit, contrefait, douloureux. Milarot, champion du monde, est dans la salle.
Le promeneur qui remonte le boulevard Auguste-Blanqui dans la direction de la place d'Italie, est frappé par l'aspect pittoresque d'une vieille maison enclose dans le triangle formé par ce boulevard, la rue Edmond-Gondinet et la rue Corvisart.
Quelle rue étrange que cette rue du Pot-au-Lait ! déserte, étranglée, descendant par une pente rapide dans une grande voie inhabitée, aux pavés enchâssés dans la boue...
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
Ce jour-là, 3 octobre 1886, le train express de Bordeaux — deuxièmes et troisièmes classes — avait eu plus d'une heure de retard et le service de l'arrivée s'en ressentait...
Séparé seulement par la largeur du boulevard de l’Hôpital de ce vieux quartier des Gobelins où l'on a fait de toutes parts de larges trouées d'air et de lumière, un mur nu, hideux, noirâtre, immense dans toutes ses proportions, se dresse, entourant un espace de vingt-huit mille mètres carrés. (1903)
Malgré les récentes instructions du préfet de police défendant la formation des cortèges sur la voie publique, les journaux révolutionnaires avaient convoqué leurs amis à plusieurs reprises, pour une heure de l'après-midi, devant la maison où est mort Blanqui l'an dernier, au n° 25 du boulevard d'Italie, au coin de la rue du Moulin-des-Prés. Un temps superbe : pas un nuage au ciel, un chaud soleil et un air vif. (1882)
Le conseiller municipal Paul Bernard, au cours de la dernière session, a réclamé la suppression des murs de la Salpêtrière. Toute la gauche du boulevard de l'Hôpital est occupée, comme on sait, par des établissements municipaux ou privés qui couvrent une surface très étendue. Il y a l'hospice de la Salpêtrière, le magasin central de l'Assistance publique, deux ou trois maisons, puis les chantiers du charbon de Paris et les abattoirs de Villejuif. (1896)
Depuis quelque temps les employés de l'octroi, préposés à la porte d'Ivry, remarquaient qu'un homme d'une forte corpulence, et une femme paraissant en état de grossesse avancé, entraient très souvent dans Paris sans jamais en sortir par cette même porte.
Les travaux en cours d'exécution pour l'achèvement du chemin de fer de Ceinture peuvent se diviser en quatre sections dont la quatrième commence au bas de l'ancien hameau du Bel-Air et vient se souder avec la fraction déjà existante au pont Napoléon en amont de Paris. C'est de cette dernière section que nous allons nous occuper aujourd'hui. (1865)
L'ouverture des travaux fut, pour tous les chenapans du quartier, une royale aubaine. Sur l'emplacement des anciennes fortifications, à proximité de la porte d'Ivry, le terrain se hérissa de barrières de planches et de piles de madriers offrant, pour les parties de cache-cache, mille coins et recoins.
Les deux mille quatre cents ouvriers de la raffinerie Say, 123, boulevard de la Gare, étaient en plein travail, hier matin, vers huit heures et demie, lorsqu'une explosion formidable se produisit dans l'atelier central, d'une superficie de quatre cents mètres carrés ; il y a là sept étages superposés au-dessus du sol et trois galeries souterraines où des hommes, des femmes, des jeunes filles sont occupés au cassage ou à l'empaquetage du sucre, de six heures du matin à six heures du soir… (1908)
En franchissant les fortifications par la porte d'Ivry, le boulevard de la Zone se trouve à deux cents mètres environ du poste de l'octroi, mais pour y parvenir il convient de faire un assez long détour, abandonnant la rue de Paris pour s'engager dans la rue Barbès, une voie large et régulière regagnant extra muros l'avenue de Choisy...