Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ».
C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions
où l'on ne va pas, dont on a vaguement entendu parler comme de quelque chose
existant à peine. La rue Bobillot, qui s'amorce, place d'Italie, à côté du
boulevard du même nom, conduit au sommet de la Butte ; et là se dresse, un peu
inquiétante parce qu'étrange, la silhouette noire de la carcasse du vieux puits
artésien : charpentes crasseuses. Puis la rue de la Butte-aux-Cailles dévale
vers ce qui fut jadis la vallée de la Bièvre. Là, sur ce versant se trouvent les
derniers vestiges de la Butte-aux-Cailles d'autrefois. On a tracé des rues, mais
les palissades qui les délimitent n'enclosent que des terrains vagues vainement
offerts à des constructeurs qui s'entêtent à ne pas se présenter.
Quelques-uns de ces terrains, abandonnés aux orties, servent d'asile à des
chiffonniers qui logent dans de misérables cahutes en planches, grelottant au
vent.
D'en bas, de la rue Wurtz, par exemple, au soleil, l'aspect est pittoresque ;
la nuit, c'est sinistre... On se sent-dans le désert, avec la crainte de
rencontrer quelques-unes de ces bêtes fauves à face humaine, qui, bien plus
redoutables que les lions et les tigres, grouillent dans le dessous des grandes
villes.
Une des rues qui se détachent, de la rue de la Butte-aux-Cailles, pour
rejoindre la rue de Tolbiac, s'appelle la rue de l'Espérance. Elle
s'entrecroise, juste avant d'arriver à la rue de Tolbiac, avec la rue de la
Providence, A l'angle des deux rues dont les noms, si étrangement choisis,
montrent, soit dit en passant, que l'édilité parisienne n'est pas toujours
ennemie d'une ironique gaieté, est une maison composée en tout et pour tout d'un
rez-de-chaussée et qui se trouve comme isolée, par les terrains vagues qui
l'entourent. Elle tombe en ruines et pour qu'elle ne s'écroulât point, il a
fallu l'étayer massivement de tous les côtés.
On la croirait inhabitée... Mais sur la façade peinte en un rouge sombre
qu'ont délayé les pluies se lisent les mots fatidiques : « Vins et liqueurs »
avec cette enseigne : « Au Lapin guillotiné » que commente une peinture
grossière dont le plâtre se fendille et s'en va par morceaux. Elle représente un
lapin qui, les pattes liées derrière le dos, est amené, vers l'instrument de
mort légale. Et le bourreau, ses aides, les gendarmes qui entourent le patient,
sont vêtus en cuisiniers avec la toque blanche et le tablier blanc.
Et si, en passant, vous aviez jeté un rapide regard par la porte plutôt
entrebâillée qu'ouverte, vous eussiez vu le traditionnel comptoir de zinc. On se
demande quels sont les êtres capables d'aller s'abreuver là ; puis on réfléchit
que cette maison, plutôt louche encore que borgne, doit être une des nombreuses
« souricières » que la police a intérêt à tolérer à Paris pour savoir à peu près
où retrouver les gens qu'elle surveille en attendant qu'ils aient fait le
mauvais coup qui doit les livrer à la justice. Autrement cet étrange débit de
vins n'aurait pas sa raison d'être.
Ce fut là qu'après avoir lentement, pesamment parcouru la rue de la
Convention et l'interminable rue d'Alésia, puis un bon bout de la rue de
Tolbiac, arrivèrent Emmanuel Levangard dit le Caporal, et Brocheriou dit
l'Aztèque.
II était quatre heures du matin, la nuit était très noire, un vent froid
soufflait.
Mais quelle que fût l'âpreté glacée du vent, elle n'empêchait pas les deux
voyageurs de ruisseler de sueur, tant il leur avait fallu déployer d'énergie
presque désespérée pour fournir cette dernière étape.
Mais qu'est-ce que, cela faisait et qu'importaient maintenant leurs fatigues,
leurs souffrances, puisqu'ils étaient arrivés?
— Vrai ? interrogea Emmanuel d'une voix qui tremblait, de la voix de ceux
qui, de peur d'une déception nouvelle, n'osent plus croire à rien ; nous y
sommes ?...
Mais Brocheriou lui montra, du geste, la silhouette vaguement estompée dans
les ténèbres du débit de vins à l'angle de la rue de l'Espérance et de la rue de
la Providence.
— Tiens ! dit-il, c'est là. Mais il regardait autour de lui, s'assurait que
les alentours étaient, bien déserts, ne se souciant pas d'être vu, au moment où
il franchirait le seuil du refuge vers lequel depuis si longtemps tendaient
toutes ses pensées.
Il n'y avait personne. Tout était silencieux.
Alors il se risqua, s'avança, suivi d'Emmanuel, vers la maison, en fit le
tour et de son index replié frappa aux volets clos d'une des fenêtres.
Lucien-Victor Meunier, dit Lucien Victor-Meunier, né à Montfermeil le 2
août 1857 et mort à Paris en mai 1930, était un journaliste, romancier et
dramaturge français.
Son roman "Le Caporal" est paru sous forme de feuilleton à l'automne
1907.
C’est un quartier peu connu des Parisiens que celui qui se trouve entre la Maison-Blanche et la Glacière ; on sait vaguement qu’il y a quelque part par là une petite vallée, mais comme la rivière qui l’arrose est la Bièvre, on dit et l’on croit que cette vallée est un des endroits les plus sales et les plus tristes de la banlieue de Paris. Il n’en est rien cependant, et l’endroit vaut mieux que sa réputation.
Il habitait tout là-bas, aux Gobelins, dans un pâté de bicoques en carton que bousculent des rues à noms magnifiques rue des Cinq-Diamants, rue de l'Espérance, rue de la Butte-aux-Cailles…
L'antre de « la Baleine » donnait sur la rue Jonas, comme nous l'avons dit. Cette rue au nom biblique se trouvait dans un grouillement de petites voies étroites, courtes, basses, tortueuses, qui forment un coin à part dans ce quartier.
Ma « clientèle » de la rue Sainte-Marguerite disparaissait peu à peu. Elle s'était réfugiée cité Doré, qui donne rue Pinel et boulevard de la Gare, ou cité Jeanne-d'Arc, près de la rue Nationale, dans le treizième arrondissement.
Dans le quartier des Gobelins, un gymnase. Des athlètes donnent une représentation suivie par une foule fervente. Dans cette foule un couple a attiré l’attention du narrateur. Elle, Zizine, femme superbe ; lui, petit, contrefait, douloureux. Milarot, champion du monde, est dans la salle.
Le promeneur qui remonte le boulevard Auguste-Blanqui dans la direction de la place d'Italie, est frappé par l'aspect pittoresque d'une vieille maison enclose dans le triangle formé par ce boulevard, la rue Edmond-Gondinet et la rue Corvisart.
Quelle rue étrange que cette rue du Pot-au-Lait ! déserte, étranglée, descendant par une pente rapide dans une grande voie inhabitée, aux pavés enchâssés dans la boue...
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
Ce jour-là, 3 octobre 1886, le train express de Bordeaux — deuxièmes et troisièmes classes — avait eu plus d'une heure de retard et le service de l'arrivée s'en ressentait...
Mme Victoire Arnaud, trente-deux ans, épouse divorcée de M. Gehier, est marchande des quatre-saisons. Elle demeure 7, rue Strau, et son travail opiniâtre lui a permis de faire quelques économies. Elle a pu soulager ainsi la détresse de son frère François Arnaud, vingt-huit ans, ouvrier en chômage, marié et père de cinq enfants.
Quand on visite les Gobelins, on ne peut s'éviter de remarquer l'état singulièrement délabré du célèbre établissement. C'est qu'en effet il saute aux yeux, et je ne sais pas de spectacle plus affligeant que l'apparente ruine de ce qui demeure, après plus de trois siècles, une des vraies gloires de la France. (1894)
L'humanité de quelques passants matinaux était choquée, hier, vers 5 heures, rue des Cordelières, par une scène effectivement étrange. Une marâtre — vraisemblablement — allant et venant sans souci de l'air frais, cruel aux petites bronches, promenait une voiture de bébé dans laquelle se distinguait un pauvre petit corps d'enfant.
Depuis les démolitions et les nouvelles percées faites à travers le 13e arrondissement, le quartier des Gobelins, autrefois si populeux comprend de vastes parties désertes. Une des causes de ce dépeuplement, est l'éloignement du marché aux chevaux, provisoirement transféré à la Halle aux fourrages du boulevard Montparnasse. (1870)
Après avoir passé en revue les travaux en cours d'exécution sur la ligne du chemin de fer de ceinture, entre la grande rue d'Auteuil et la route de Châtillon, il nous reste à parler de ce qui s'effectue entre la route de Châtillon et le pont sur la Seine en amont, pour avoir exploré tout le parcours de la section à ajouter à notre chemin circulaire pour le compléter. (1865)
Parmi les chiffonniers qui forment, aux environs de la porte d'lvry, une remuante agglomération connue sous le nom de « village nègre », s’est passé, hier après-midi, un drame rapide et sanglant.
Parlons donc un peu de la rive gauche, qui a paru, jusqu'ici, plutôt délaissée dans l’établissement des premières lignes du réseau métropolitain... (1903)
Mme Dupuis, veuve de cinquante-huit ans, qui habite une maison isolée, au numéro 10 du Boulevard Masséna, voulait depuis longtemps se débarrasser de son amant, un neveu de souche très éloignée, avec qui, durant dix-huit ans, elle mena la vie quasi conjugale.