La rue Baudricourt
La Presse — 28 février 1873
Il est question d'élargir et de régulariser la rue Baudricourt, à Ivry. C'est dans cette rue, on ne l'a pas oublié, qu'eut lieu, le 25 mai de la Commune, une résistance désespérée. Il y avait là, entre autres moyens de défense, une énorme barricade armée de canons et de mitrailleuses. Les soldats fédérés croyaient que les troupes de Versailles arriveraient par l'avenue d'Ivry ; mais elles tombèrent subitement sur eux par derrière, et un feu de peloton tua environ cent cinquante insurgés. Cette scène sera reproduite par à peu prés.
On a photographié également, à proximité de la rue Baudricourt, la maison où se trouvait une ambulance des insurgés, parce qu'elle rappelle une scène touchante. On allait fusiller l'abbé Lesmayoux, vicaire de Notre-Dame-de-la-Gare, lorsqu'un capitaine des fédérés, qui le connaissait, s'interposa brusquement.
— Malheureux ! s'écria-t-il, vous allez tuer ce citoyen qui peut nous rendre les plus grands services. Il est chirurgien, et vous savez que nous manquons de bras pour soigner nos blessés.
Et sans attendre d'explication, il mena le vicaire à l'ambulance. Au moment de le quitter, près de la porte, il lui serra la main à la dérobée, et d'une voix émue :
— Au revoir, monsieur, lui dit-il, s'il y a un revoir pour moi.
Ce capitaine de l'armée insurrectionnelle qui risquait sa vie pour sauver celle d'un prêtre, était un nommé Desfosse de la 2e compagnie du 101e bataillon des fédérés. Il ne devait pas, en effet, y avoir de revoir pour lui, car un moment après il tombait mortellement frappé.
Sur la rue Baudricourt
Mais peut-être ignorez-vous la rue Baudricourt ; les Parisiens sérieux ne fréquentent guère les « au-delà » de la place d'Italie, cette espèce de faubourg de province avec ses maisons basses, plantées de guingois parmi des terrains vagues, ses enfilades de palissades et de murs que le printemps hérisse d'une chevelure de feuilles, ses granges qui, à même la rue, vous déversent de la paille et des poules. La rue Baudricourt est perdue quelque part là-dedans.
R. Archambault (1930)
La rue Baudricourt est une fraction de l'ancien chemin du Bac qui allait de l'avenue de Choisy jusqu'à la rue du Chevaleret, les voies du chemin de fer d'Orléans ayant coupé son prolongement vers la Seine. Elle reçut son nom par décret impérial en date du 2 octobre 1865.
La rue Baudricourt comporte trois tronçons nettement distincts : entre l'avenue de Choisy et l'avenue d'Ivry, entre l'avenue d'Ivry et la rue de Tolbiac, entre la rue de Tolbiac et la place Nationale.
Des écoles furent édifiées le long du tronçon central à partir de juillet 1871. Celui-ci sera ensuite marqué par son voisinage avec la gare des marchandises de Paris-Gobelins, ouverte en 1903, qui fut une source de nuisances notamment olfactives.
Évocations
Faits divers
