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La vue est prise depuis un des clochers de l'église Saint-Anne. La première rue à droite est la rue Martin-Bernard.
UNE ÉVOCATION DU
13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Littérature
23 juillet
Dernières dépêches de notre correspondant
À quel point de son parcours à travers Paris la Seine reçoit-elle, dans ses eaux glauques, son impétueuse affluente la Bièvre ?
Il n'y a pas beaucoup de semaines, vous vous en souvenez, Parisiens de la rive gauche, côté sud-sud-ouest, les ondes de cette rivière parfumée, tout à coup devenues torrentueuses, vous submergèrent. Elles laissèrent, a-t-on dit, sur des tables de salle à manger, sur des buffets, sur des commodes, même dans des chambres de premier étage, des débris de veau mégis, de mouton maroquiné, de peaux de vache évadées de la fosse à tan.
Puisque je suis en exploration (ni scientifique, ni militaire, ni civilisatrice — tranquillisez-vous, aborigènes) dans ces contrées, et puisque la folle Bièvre, au dire des géographes, se jette dans les bras de la Seine majestueuse entre le Pont-Neuf, où je suis, et le Jardin des Plantes, où je vais, que pourrais-je mieux faire que de déterminer exactement le lieu de leur rencontre.
D'abord, descendons reconnaître cet îlot boisé qui est en bas, très en bas de la statue d'Henri-IV. On l'appelle le Jardin du Vert-Galant. C'est assurément, par ces torrides chaleurs, l'endroit le mieux ombragé, le plus frais, le plus calme de la Ville. Des arbres plusieurs fois séculaires, saules et peupliers, y déploient des branchages de forêt vierge — une forêt vierge qui serait de plain-pied avec un bateau de blanchisseuses. Vous croyez peut-être que l'on s'y presse en foule ? Erreur. Il n'y a que le gardien en uniforme, perché, endormi dans une jolie logette, et moi, qui ai cinquante mètres de bancs pour m'asseoir.
Mais je ne m'assieds pas ! Je remonte l'escalier de granit. Je rejoins la cité glorieuse, navire et berceau de la civilisation française. Toute notre civilisation, oui, est là, résumée, concentrée.
Un Palais de Justice où l'on compte des tribunaux de toutes les sortes ; un hôpital, deux prisons, une caserne, la préfecture de police, une cathédrale, le marché aux fleurs, un cimetière, la Morgue, et la statue de Théophraste Renaudot.
Qu'est-ce que tu dis de ça, toi vrai grand homme, tard connu, le premier en date et le plus justement illustre des journalistes ?
La Morgue ! J'y entre. Il y a foule de ce côté-ci de la vitrine, et aussi de l'autre côté.
Ils sont cinq sur des dalles de marbre couchés presque coude à coude : une vieille femme à chevaux blancs ; une très jeune blonde ; encore une qui paraît avoir trente-cinq ans ; deux hommes : l'an, grand, de beau visage, les joues racées, cheveux en brosse, épaisse moustache grise ; l'autre est jaune et laid, petit, malingre, traits sinistres.
Tous, hommes et femmes, sont des pauvres gens. Je me retrace, j'imagine, leur histoire...
Un remous se fait dans le public spectateur. Plusieurs s'en vont ; d'autres curieux les remplacent. Parmi ceux-ci, un jeune garçon d'allures distinguées, de costume élégamment débraillé. Un étudiant en droit peut-être, qui sera, dans quelque vingt ans d'ici, député, préfet ou magistrat. Il a à son bras une fille gentille, qui se serre contre lui, subitement devenue sérieuse, frissonnante.
Est-ce une hallucination ? J'ai cru voir la vieille, de l'autre côté de la vitre tressaillir, et aussi la jeune, et aussi le vieux à la moustache grise.
Le petit homme aux traits sinistres a ricané.
Je me sens devenir pâle, j'ai froid jusqu'au cœur. Je sors vite, frôlant un peu rudement le bel étudiant. Pourquoi ai-je eu l'envie de l'interpeller ? Il ne m'a rien fait, ce jeune homme, rien ... et il est innocent des cinq cadavres qui sont là.
Je reviens sur mes pas : dans l'ombre noire de l'église Notre-Dame ; je repasse devant le morne Hôtel-Dieu ; je contourne la brutale caserne de la Cité. Revoici le bon Théophraste. Je relis les deux belles phrases, belles et vraies éternellement, qu'on a gravées sur son socle... Encore le Palais de Justice, avec des gardes de Paris en faction. Et, en face, des factionnaires encore, des gardiens de la paix, le sabre au clair et des pompiers armés de fusils !
Je marche, ne regardant plus rien, songeant.
Quand ma songerie cesse je suis dans un jardin étrange, tout coupé d'enclos où sont des bêtes parquées. Féroces, timides ou familières, elles sont toutes pareillement prisonnières. Des flâneurs les regardent, ayant, devant les redoutables, un petit frémissement de peur, hardis et agaçants à l'égard des inoffensives. Là-bas on rit, autour d'une haute rotonde grillagée, remplie de singes grimaçants. J'en remarque un, tout en haut, qui gesticule plus que les autres ; il tient quelque chose qui parait être une sonnette. Il ressemble étonnamment au président du Palais-Bourbon.
Mais je n'ai toujours pas trouvé l'embouchure de la Bièvre. Elle traverse, me dit un plan que je consulte, le boulevard de l'Hôpital, Un pan de mur indiqua, en effet, qu'elle arrive là, entre les rues Buffon et Polonceau. On n'approche point de ses rives ; des propriétaires de jardins s'en sont emparés. Fort bien. Mais l'embouchure. Il n'est pas dans la coutume des rivières de finir sur un boulevard.
Vainement je cherche. L'estuaire de celle-ci est-il plus introuvable que les sources du Nil ?
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Le 13e en littérature
A travers la Maison-Blanche
Les apaches de la Butte-aux-Cailles
par
Lucien Victor-Meunier
Un instant plus tard, elle était dehors dans le terrain vague qui descendait en pente rapide vers la vallée de la Bièvre...
(1907)
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La poterne des Peupliers
par
J. H. Rosny Ainé
Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique.
Si l'auteur nomme une poterne des Tilleuils, c'est bien de la poterne des Peupliers dont s'agit.
(1910)
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La rue des Peupliers
par
Jules Mary
Un des coins de Paris, misérable et sinistre. La longée des fortifications plantées d'arbres en double ou triple rangée, le côtoie pourtant de verdures plaisantes durant la belle saison, mais, en réalité, sépare pour ainsi dire cette région parisienne du reste du monde. Du haut de la rue des Peupliers...
(1908)
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Le quartier Croulebarbe
par
Émile Gaboriau
C'est là un quartier étrange, inconnu, à peine soupçonné de la part des Parisiens...
Où Emile Gaboriau fait découvrir le quartier Croulebarbe à ses lecteurs.
(1868)
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La Cité Jeanne-d'Arc
par
Auguste Brepson
La cité Jeanne-d'Arc est ce vaste ensemble de bâtiments noirs, sordides et lugubres percés comme une caserne de mille fenêtres et dont les hautes façades s’allongent rue Jeanne-d'Arc, devant la raffinerie Say.
(1928)
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La Butte-aux-Cailles
par
J. H. Rosny Ainé
L'homme suivit d'abord la rue de Tolbiac, puis s'engagea par ces voies ténébreuses, bordées de planches, de lattes et de pieux, qui montent vers la Butte-aux-Cailles. Les oiseaux des réverbères dansaient dans leurs cages de verre. On apercevait des terrains fauves, des chaînes de bosselures, des rampes de lueurs, des phares dans un trou du ciel, et, du côté de la Butte, un nuage de feu pâle évaporé sur Paris...
(1910)
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Le quartier de la Gare
par
Émile Gaboriau
Le 20 février 18.., un dimanche, qui se trouvait être le dimanche gras, sur les onze heures du soir, une ronde d’agents du service de la sûreté sortait du poste de police de l’ancienne barrière d’Italie.
La mission de cette ronde était d’explorer ce vaste quartier qui s’étend de la route de Fontainebleau à la Seine, depuis les boulevards extérieurs jusqu’aux fortifications.
Ces parages déserts avaient alors la fâcheuse réputation qu’ont aujourd’hui les carrières d’Amérique.
(1869)
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Saviez-vous que... ?
La rue du Banquier, ancienne rue, doit son nom au banquier Patouillet qui avait déjà donné son nom au territoire compris entre la rive droite de la Bièvre et les terres de St-Marcel sur le chemin d'Ivry. (Clos Patouillet.)
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La rue Henri Pape s'appelait jusqu'en 1897, rue Edmond-Valentin. Cette rue avait pris la succession du chemin de la Fontaine-à-Mulard, seule voie traversant le 13e et raccordant le fond de la vallée de la Bièvre à l'avenue d'Italie.
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La rue du Tibre, dans le quartier Maison-Blanche, a été ouverte sur l'emplacement d'une voirie d'équarrissage, elle a porté le nom de rue de la Fosse-aux-Chevaux, puis du Tibre, à cause de la Bièvre autour de laquelle ont été groupés des noms de fleuves.
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Le théâtre Saint-Marcel, rue Pascal, que le théâtre des Gobelins remplaça, connut ses premières représentations à la fin décembre 1838 avec un vaudeville de M. Carmouche et fut livré à la pioche des démolisseurs à compter du 15 janvier 1868 pour laisser la place au boulevard Saint-Marcel dont le percement progressait. Son dernier directeur fut M. Larochelle.
La vue est prise depuis un des clochers de l'église Saint-Anne. La première rue à droite est la rue Martin-Bernard.