UNE ÉVOCATION DU 13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30

Littérature

 Assassins!!! - 2

2

ASSASSINS !!!

par
Louis Dagé et Paul Vernier
(1881)


PREMIÈRE PARTIE


La Masure du Corbeau Rouge


I
Double attentat
(suite)

Comme si l’inconnu n’eut attendu que cette demande pour s’expliquer, il répliqua avec vivacité :

— L’occasion que tu réclames, je puis te l’offrir.

— Vrai ?... Parlez !

— Un danger imminent, certain, que je n’ai pu deviner, mais dont j’ai la prescience, quelque chose comme la seconde vue, si tu aimes mieux, menace une jeune fille que j’aime : il faut la sauver

— On la sauvera !... Ça me botte !... Avez-vous quelques soupçons, quelque indice ?

L’inconnu allait répondre, lorsqu’un cri de terreur, d’angoisse indéfinissable, jeté par une voix féminine, retentit dans le silence de la nuit.

Un cri ; puis, plus rien.

Mais cet appel suprême avait suffi pour fixer les irrésolutions du jeune homme.

— C’est elle, c’est sa voix ! s'écria-t-il, on l’enlève... Courons !

Et, ce disant, il prit sa course vers le pont de la Tournelle, d’où le cri était parti, suivi par le coquin qui tout à l’heure avait cherché à l’assassiner et qui, maintenant semblait déployer un zèle tout aussi grand pour essayer de devenir un honnête homme, tant il avait été surpris, suffoqué, abasourdi, par la peur d’abord, et aussi par les muscles d’acier et le ton d’autorité de son adversaire.

Par malheur, quand ils atteignirent le pont de la Tournelle, ils ne virent rien : tout avait disparu !

Seulement la neige, par de profondes gerçures, montrait qu’il y avait eu lutte sur ce pont ; les roues d’une voiture y avaient laissé leur empreinte bien nette, bien apparente.

Mais, si, en stationnant à cet endroit, le véhicule avait par son poids même creusé une ornière dans la neige durcie, la trace devenait, plus loin, insaisissable et s’effaçait peu à peu, à mesure que les roues, lancées à toute vitesse, avaient rasé plus légèrement le sol à peine effleuré.

Il en était de même des sabots du cheval. Restant en place, il avait piétiné et effondré la glace ; mais, en trottant, le fer s’était imprimé d’une façon imperceptible.

Au fur et à mesure que le jeune homme, la figure crispée, contractée par l’angoisse et la colère, faisait ces tristes et désolantes constatations qui lui enlevaient tout espoir de rejoindre les ravisseurs de cette femme qu’il désirait tant secourir, il poussait des gémissements sourds qui ressemblaient à des plaintes et à des sanglots.

L’autre, qui l’aidait consciencieusement dans ses recherches, lança tout à coup une exclamation de joie :

— Tonnerre ! je tiens le fil... Le voici.

Et il brandissait un objet que son compagnon regarda avec stupéfaction.

— Comment, le fil ? s’écria-t-il, c’est une horrible pipe.

— Eh bien ! oui ; elle manque de galbe, cette bouffarde, mais je la reconnais.

— Il serait possible !

— Aussi vrai que je me nomme Lame-d’Acier, ce brûle-gueule appartient à Négriot.

— Qu'est-ce que c’est que ça, Négriot ?

— Un camarade de classe... à Poissy.

— Très bien ! Je comprends… Sais-tu où le retrouver ?

— Parbleu ! oh ! nous n’avons pas besoin de suivre les traces de la guimbarde.

— Ah !

— Pour sûr ! Je vas vous conduire dans un endroit où nous sommes certains de rencontrer ce vieil ami avec son inséparable Sans-Malice.

— Vite, partons !

— Suivez-moi.

Ils pressèrent le pas et se dirigèrent en toute hâte du côté de l’avenue de Choisy, vers laquelle le joueur de couteau conduisait son compagnon sans aucune hésitation.

Agités par des pensées diverses, les deux promeneurs se taisaient.

Cependant, soit curiosité, soit simple désir de s’orienter, ou bien mû par un dernier sentiment de défiance, le jeune homme que nous avons vu si bénévolement faire grâce à Lame d’Acier, demanda soudain à ce dernier :

—Où allons-nous ?

— À la masure du Corbeau-rouge.

— C’est un repaire ?

— Et un solide encore ! Là, on défie la Rousse.

— Y-a-t-il quelque danger ?

— Avec moi, non !

L’inconnu arrêta par le bras Lame-d’Acier, et, comme il se trouvait à la hauteur du bureau de poste de la rue Monge, il déchira une feuille de papier d’un carnet de notes qu’il portait sur lui, écrivit quelques mots au crayon, renferma le papier dans une enveloppe retirée également de son portefeuille et fit mine de jeter le tout à la poste.

Ce que voyant, le bandit demanda :

—Que faites-vous, patron ?

— Je préviens mon valet de chambre que je suis en compagnie de M. Lame-d’Acier, de telle sorte que s’il te prend fantaisie de recommencer tes espiègleries et que le hasard veuille, toi aidant, que je ne rentre pas chez moi, eh bien ! il pourrait t’en cuire pour tout du bon... Tu as compris ?

— Parfaitement !... Vous vous méfiez de moi.

— Une simple précaution.

— Elle est de trop ! Vous aurez entière confiance en moi, ou je vous lâche.

— Pourtant...

— C’est à prendre ou à laisser... Si vous refusez, bonsoir !

Au ton décidé du gredin, l’inconnu s’aperçut qu’il se trouvait avoir affaire a un entêté dont la résolution était inébranlable. Mais il ne voulait, dans aucun cas, reculer devant l'accomplissement de son projet.

Que faire ?...

L’indécision du jeune homme ne dura qu’un instant. Il considéra Lame-d’Acier entre les deux yeux, avec une fixité fascinatrice, et dit :

— As-tu du cœur ?

— Du cœur ? fit l’autre abasourdi ; ma foi, écoutez, on ne m’a jamais demandé ça, patron ; j’en ai peut-être du cœur !... Tonnerre ! Vous m'allez, vous ! Du cœur ! Eh bien, je vous en réponds, si je n’en ai pas, ça ne tardera guère !... Tenez, si c’est avoir du cœur que de vouloir être fidèle à sa promesse, si c’est avoir du cœur que d’être résolu à me faire tuer avant qu’on touche à un cheveu de votre tête, eh bien ! sacré nom !... j’en ai à revendre ! Foi de Lame-d’Acier, qu’est mon sobriquet, je n’ai jamais connu mon nom. Je vous jure de vous aider en tout et de vous obéir toujours. Vous pouviez me faire mon affaire et vous ne l’avez pas fait, ça compte.

— C’est bon ! répondit l’inconnu.

Et lentement il déchira la lettre qu’il venait d’écrire au crayon.

— Tonnerre ! c’est bien, ce que vous faites là ! murmura Lame-d’Acier ému ; vous vous fiez à la parole d'un pas grand-chose comme moi, je ne l’oublierai jamais !... Venez !

Ils poursuivirent leur marche un instant interrompue après une courte station, indispensable à l’affamé, chez un mastroquet ; ils prirent le pas gymnastique pour rattraper le temps perdu, ne pensant nullement à la façon au moins étrange dont ils avaient lié connaissance.

Le 13e en littérature

La ruelle des Reculettes

La petite Miette

par
Eugène Bonhoure

— Où demeure le pharmacien? demanda Furet.
— Au coin de la rue Corvisart et de la rue Croulebarbe.
— Est-ce qu'il y a deux chemins pour y aller ?

(1889)

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Tout le 13e

Taupin

par
Séverine

À l'horizon, passé la plaine de la Glacière, vers la poterne des Peupliers, les « fortifs » verdoyaient comme une chaîne de collines.

(1909)

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Le quartier Croulebarbe

La vieillesse de Monsieur Lecoq

par
Fortuné du Boisgobey

Connaissez-vous la rue du champ de l’alouette ? Il y a bien des chances pour que vous n'en ayez jamais entendu parler, si vous habitez le quartier de la Madeleine. Mais les pauvres gens qui logent dans les parages l'Observatoire et de la Butte-aux Cailles savent parfaitement où elle est.

(1878)

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La ruelle des Reculettes

Les Monstres de Paris

par
Paul Mahalin

Le noctambule par goût ou par nécessité — comme Paris en a tant compté depuis Gérard de Nerval jusqu'à Privat d'Anglemont — qui se serait aventuré, par une nuit boréale de novembre dernier, à l'une des embouchures du passage des Reculettes, y aurait éprouvé l'impression d'un rêve persistant à travers la veille, et s'y serait cru transporté dans ce monde de la chimère et du fantôme...

(1879)

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Le quartier Croulebarbe

Robespierre

par
Henri-Jacques Proumen

Il pouvait avoir cinq ans, ce petit Riquet de la rue Croulebarbe. On lui en eût donné quatre tout au plus, tant il était fluet Son pauvre petit corps se dandinait sur deux longues pattes de faucheux qui prenaient assise dans deux godasses démesurées...

(1932)

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L'octroi de la porte d'Italie

Le drame de Bicêtre

par
Eveling Rambaud et E. Piron

Grâce à l'or du faux baron de Roncières, Paul apporta l'abondance dans la maison de la rue du Moulinet.
On y fit une noce qui dura huit jours.
Perrine avait déserté son atelier de blanchisseuse. Elle tenait tête aux deux hommes, le verre en main.

(1894)

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De la ruelle des Reculettes au passage Moret via la ruelle des Gobelins

Le faiseur de momies

par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay

Il était arrivé à l'angle pointu formé par la manufacture des Gobelins où la voie bifurquait ; à droite la rue Croulebarbe continuait, à gauche c'était la ruelle des Gobelins.

(1912)

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Un Treizième à découvrir dans...

Saviez-vous que... ?

La ruelle des Reculettes reliait le 49 de la rue Croulebarbe au 28 de la rue Abel-Hovelacque, ancienne rue de Gentilly. Sa largeur variait de 2 à 7 mètres. Elle était éclairée par des quinquets. Sa suppression fut décidée en 1910 mais celle-ci ne fut totalement effective que dans les années trente...

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En 1887, Camille Claudel vivait dans un atelier loué pour elle par Auguste Rodin, la Folie Neubourg ou Clos Payen, 68 boulevard d’Italie, actuel boulevard Auguste-Blanqui.

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Le rue Esquirol s'appela Grande-Rue-d'Austerlitz. Son nom actuel lui fut donné en 1864 en souvenir de Dominique Esquirol, médecin aliéniste (1773-1840).

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En 1937, 13 cinémas se disputaient la clientèle du 13e arrondissement :
- Cinéma des Bosquet, 60 rue de Domrémy
- Cinéma des Familles, 141 rue de Tolbiac
- Cinéma Familial, 159 rue Bobillot
- Cinéma-Théâtre des Gobelins, 73 avenue des Gobelins
- Ermitage Glacière, 106 rue de la Glacière
- Escurial, 11 boulevard de Port-Royal
- Excelsior, 7 rue Fagon
- Jeanne d’Arc, 45 boulevard Saint-Marcel
- Kursall, 57 avenue des Gobelins
- Palace Italie, 190 avenue des Choisy
- Palace des Gobelins, 66 bis avenue des Gobelins
- Palace du Moulin, 102 avenue d’Italie
- Saint-Marcel, 67 boulevard Saint-Marcel.

L'image du jour

La place Nationale vue depuis la rue Nationale vers le nord à l'angle de la rue du Château-des-Rentiers.

Initialement, la rue Nationale qui s'est développée progressivement à partir de la barrière des Deux-Moulins, soit face à l'actuelle place Pinel, n'allait pas au-delà de la place Nationale. Son extension vers les fortifications fut décidée dans les années 1860.