Le meurtre de la rue de l’Hôpital
Le Constitutionnel — 21 décembre 1850
C'était hier la fête du nommé C..., maitre maçon. Il avait réuni pour la fête plusieurs de ses amis chez un marchand de vin, à l'enseigne des Deux-Moulins, rue de l'Hôpital. Le repas fut copieux et se prolongeait encore vers neuf heures, quand C..., à la suite des libations qu'il avait été obligé de faire, se sentant la tête lourde; annonça à ses convives qu'il allait se retirer, les engageant cependant à ne pas se séparer à cause: de son indisposition.
Il sortit donc, laissant ses amis continuer de s'amuser. Il était à peine à vingt-cinq pas de cet établissement, quand trois individus embusqués dans l'encoignure d’une maison de cette rue qui, à cette heure peu avancée, est déjà déserte, se précipitent sur lui et le prennent à la gorge.
L’un d’eux porte à la tête de C… un violent coup d'une arme tranchante qui lui fait une large blessure au front ; le pauvre homme est aveuglé par le sang qui en jaillit ; les deux autres assaillants, après avoir terrassé C... sans qu'il ait pu crier, lui portent de grands coups de talon de bottes dans la poitrine.
Tout-à-coup l'un des assassins s'écrie : Mon Dieu ! ce n'est pas lui, sauvons-nous ! Et effectivement tous trois prennent la fuite. Les gémissements du malheureux blessé furent entendus de chez le marchand, et ses camarades arrivèrent pour relever leur ami dans un état désespéré ; il a été transporté à son domicile.
La Justice informe sur ce crime.
Rue Harvey
Le 21 juin 1889, le journal l'Égalité écrivait :
" C’est dans le treizième arrondissement, quartier de la Salpêtrière, que se trouve la rue Harvey,
autrefois rue de l’Hôpital.
C’est assurément une des plus curieuses et des plus pittoresques voies du Paris pauvre
et misérable."
Pour Maxime du Camp, elle était "l'horrible rue Harvey, qui est un cloaque bordé par des antres sans nom." (Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde motié du XIXe siècle)
Un peu d'histoire
La rue Harvey (165 mètres, entre la rue Nationale, 163, et la rue du Château-des-Rentiers, 206) fut ouverte en 1847 sous le nom de ruelle Saint-Honoré ; plus tard elle devint la rue de l'Hôpital. Par décret du 24 août 1864, elle devint la rue Harvey, en souvenir de William Harvey (1578-1657), médecin de Charles 1er, qui découvrit les lois de la circulation du sang (1576-1657). — Petite histoire des rues de Paris (1913)
La rue de l'Hôpital avait pour caractéristique, eu égard à sa situation hors de Paris avant 1860, au delà de la Barrière des Deux-Moulins de concentrer en son sein des marchands de vin et un dizaine de maisons publiques c'est-à-dire de maisons de prostitution comme le soulignaient Philippe Doré dans sa "Notice administrative, historique et municipale sur le XIIIe Arrondissement" ou les journaux quand il s'agissait d'évoquer cette rue qui, au fil des nouvelles, apparaissait dangereuse.
Plus tard, après l'annexion, la rue Harvey fut aussi le siège des activités de dizaines de chiffonniers et de petites industries. La mauvaise réputation de la rue persista voire même, s'amplifia dans les premières décennies du XXe siècle.
Après la première guerre mondiale, le peuplement de la rue Harvey changea, les chiffonniers qui l'occupèrent un temps presque exclusivement, se trouvèrent remplacés par la main d'œuvre immigrée de la raffinerie Say voisine ou de l'usine Panhard plus lointaine.
La rue Harvey disparut complètement en 1960 avec la destruction de l'ilôt 4. Apparemment, rien ne perpétue son souvenir à son emplacement.
Sur la rue Harvey
Faits-divers d'avant l'annexion
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1850
- Un assassinat aux Deux-Moulins - 1851
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1852
- La fabrique d’allumettes prend feu - 1853
- La fabrique d’allumettes prend feu (bis) - 1854