Un assassinat aux Deux-Moulins
Journal des débats politiques et littéraires — 6 février 1851
La commune de la Gare d'Ivry a été avant-hier le théâtre d'un assassinat.
Il y a deux ans environ, Julienne J... jeune fille de dix-huit ans, habitait avec, ses parents, honnêtes ouvriers, demeurant rue Saint-Antoine. Un nommé B... tenait dans le voisinage un établissement de marchand de vin pour le compte de ses parents dont il n'était que le commis. C'était chez lui que chaque jour la jeune fille venait chercher la provision de vin. Ce fut là le commencement de ses relations avec B... celui-ci, abusant de son inexpérience la séduisit. Quelque temps après, ne pouvant plus espérer de cacher une faute qui allait devenir apparente, J... abandonnait ses parents pour suivre son amant.
B... soupçonné d'infidélité, fut renvoyé par son patron il possédait quelque argent, que les habitudes de débauche qu'il contracta ne lardèrent pas à lui, enlever. Ce fut alors qu'à bout de ses ressources, il conçut la plus infâme spéculation. Il contraignit Julienne J… à se livrer à un honteux métier, et la malheureuse en butte aux mauvais traitements et aux menaces de B… accepta l'affreuse condition qu'il lui faisait. Cependant, au bout de quelque temps, elle eut honte de son abjection et résolut de s'affranchir du joug qui pesait sur elle.
Décidée à se conduire plus honnêtement à l'avenir, elle quitta il y a quelques jours le domicile qu'elle habitait en commun avec B... et alla se réfugier chez le sieur C... marchand de vin, demeurant rue de l'Hôpital, à Ivry, espérant échapper aux recherches de son amant, dont elle redoutait la vengeance. Mais avant-hier, vers quatre heures du soir, Julienne se trouvait dans la boutique de M. C... elle était près du comptoir, attendant qu'on mesurât du vin qu'elle devait porter dans la salle du fond.
Tout à coup B… apparaît sur le seuil de la porte : en le voyant, Julienne veut fuir ; mais B... s'élance sur elle, la saisit à la gorge et lui plonge en pleine poitrine un couteau poignard qu'il tenait à la main. Julienne tombe en poussant un cri de douleur.
En ce moment arrivent M. C… un sapeur-pompier et deux fusiliers du 27e de ligne, qui étaient à boire dans la salle du fond, et qui, se précipitant sur le meurtrier, le désarment du poignard sanglant dont il était encore armé, et le conduisent chez M. Chevalier, commissaire de police de la localité.
Un médecin fut appelé aussitôt pour donner à Julienne les secours de son art mais il ne put que constater que la mort avait été instantanée. Le poignard avait pénétré tout entier dans la région du cœur. Le corps de la malheureuse Julienne a été transporté à la Morgue pour y être soumis à une autopsie.
L'assassin, après avoir été interrogé par le commissaire de police, a été mis à la disposition de la justice.
Rue Harvey
Le 21 juin 1889, le journal l'Égalité écrivait :
" C’est dans le treizième arrondissement, quartier de la Salpêtrière, que se trouve la rue Harvey,
autrefois rue de l’Hôpital.
C’est assurément une des plus curieuses et des plus pittoresques voies du Paris pauvre
et misérable."
Pour Maxime du Camp, elle était "l'horrible rue Harvey, qui est un cloaque bordé par des antres sans nom." (Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde motié du XIXe siècle)
Un peu d'histoire
La rue Harvey (165 mètres, entre la rue Nationale, 163, et la rue du Château-des-Rentiers, 206) fut ouverte en 1847 sous le nom de ruelle Saint-Honoré ; plus tard elle devint la rue de l'Hôpital. Par décret du 24 août 1864, elle devint la rue Harvey, en souvenir de William Harvey (1578-1657), médecin de Charles 1er, qui découvrit les lois de la circulation du sang (1576-1657). — Petite histoire des rues de Paris (1913)
La rue de l'Hôpital avait pour caractéristique, eu égard à sa situation hors de Paris avant 1860, au delà de la Barrière des Deux-Moulins de concentrer en son sein des marchands de vin et un dizaine de maisons publiques c'est-à-dire de maisons de prostitution comme le soulignaient Philippe Doré dans sa "Notice administrative, historique et municipale sur le XIIIe Arrondissement" ou les journaux quand il s'agissait d'évoquer cette rue qui, au fil des nouvelles, apparaissait dangereuse.
Plus tard, après l'annexion, la rue Harvey fut aussi le siège des activités de dizaines de chiffonniers et de petites industries. La mauvaise réputation de la rue persista voire même, s'amplifia dans les premières décennies du XXe siècle.
Après la première guerre mondiale, le peuplement de la rue Harvey changea, les chiffonniers qui l'occupèrent un temps presque exclusivement, se trouvèrent remplacés par la main d'œuvre immigrée de la raffinerie Say voisine ou de l'usine Panhard plus lointaine.
La rue Harvey disparut complètement en 1960 avec la destruction de l'ilôt 4. Apparemment, rien ne perpétue son souvenir à son emplacement.
Sur la rue Harvey
Faits-divers d'avant l'annexion
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1850
- Un assassinat aux Deux-Moulins - 1851
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1852
- La fabrique d’allumettes prend feu - 1853
- La fabrique d’allumettes prend feu (bis) - 1854