Deux sauveteurs de treize ans.
Le XIXe siècle — 7 février 1895
Hier, vers quatre heures de l'après-midi, une trentaine d'enfants s'amusaient à glisser sur la Bièvre, dans le bas de la rue des Gobelins. À cet endroit, la petite rivière, qui se trouve encaissée entre de hautes maçonneries, n'a pas moins de deux mètres de profondeur.

Tout à coup un craquement se faisait entendre, et un des jeunes imprudents, Émile Brajus, âgé de onze ans, demeurant 38, rue des Cordelières, disparut sous la glace. Le malheureux, revenant à la surface du trou béant, allait disparaître de nouveau quand un des camarades, le jeune Émile Berne, âgé de treize ans, demeurant au numéro 42 de la même rue, se hasarda sur la glace lézardée et fut assez heureux pour le saisir.
Il faisait de grands efforts pour arracher son petit camarade à une mort certaine, quand de nouveau la glace craqua sous ses pieds. Le jeune Berne eut alors la présence d'esprit de se coucher sur la nappe congelée, n'osant faire de nouveaux efforts de peur de compromettre sa propre sécurité et celle de Brajus.
Un autre enfant, Eugène Billion, également âgé de treize ans, demeurant aussi des Cordelière, numéro 28, encouragé par l'exemple de son petit camarade, se risqua sur la glace, et, tirant Émile Berne par les pieds, put ainsi l'aider à dégager le petit noyé, qui avait perdu connaissance.
Des gardiens de la paix et des passants, prévenus par les témoins de ce drame, accoururent et transportèrent le jeune Brajus au domicile de ses parents, où un médecin, appelé en toute hâte, lui prodigua des soins énergiques qui le rappelèrent à la vie.
Les deux jeunes sauveteurs, conduits au commissariat de M. Perruche, ont été vivement félicités par le magistrat.