Le pétard part en haut, il ne part pas en bas.
Le Matin — 1er décembre 1913
La fête battait son plein, hier soir, place d'Italie. Les badauds circulaient avec peine, attentifs aux boniments des forains. Deux amis, André Rotter, vingt-quatre ans, coltineur, et Jules Lebond, vingt-six ans, farinier, fendaient la foule, se frayant à grand-peine un passage. Tout à coup, ils avisèrent un jeu de massue. Les roses tricolores, les médailles en carton doré, qui sont attribuées au plus fort, les fascinèrent.
— Tu connais ma force ? dit le coltineur à son camarade. Elle est phénoménale.
Jules haussa les épaules et eut un sourire de mépris.
Piqué au vif, le coltineur s'empara du lourd maillet de bois et, d'un coup, d'un seul, asséné avec rage sur le billot, fit partir le pétard placé au sommet de la colonne. Trois fois, il renouvela l'expérience, trois fois il la réussit. La tenancière lui piqua incontinent, au revers de son veston, une rosé multicolore. Jules s'approcha alors. Il soupesa la massue, la saisit dans ses grosses mains et prit son élan, la lançant en arrière.
Un cri de douleur retentit alors. Un spectateur, M. Alfred Bannié, garçon de magasin, qui se trouvait là avec sa femme, avait reçu sur le crâne la lourde masse de bois. Il s'affaissa, ensanglanté. Il avait l'arcade sourcilière fendue, deux dents cassées et le nez écrasé. Il a été transporté à la Pitié.
Quant à l'auteur involontaire de cet accident, il a été prié de se tenir à la disposition de M. Delanglade, commissaire de police.
