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UNE ÉVOCATION DU
13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Littérature
TROISIEME PARTIE
Les apaches de la Butte-aux-Cailles
III
Le repaire
Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas, dont on a vaguement entendu parler comme de quelque chose existant à peine.
La rue Bobillot, qui s'amorce, place d'Italie, à côté du boulevard du même nom, conduit au sommet de la Butte ; et là se dresse, un peu inquiétante parce qu'étrange, la silhouette noire de la carcasse du vieux puits artésien : charpentes crasseuses. Puis la rue de la Butte-aux-Cailles dévale vers ce qui fut jadis la vallée de la Bièvre. Là, sur ce versant se trouvent les derniers vestiges de la Butte-aux-Cailles d'autrefois.
On a tracé des rues, mais les palissades qui les délimitent n'enclosent que des terrains vagues vainement offerts à des constructeurs qui s'entêtent à ne pas se présenter.
Quelques-uns de ces terrains, abandonnés aux orties, servent d'asile à des chiffonniers qui logent dans de misérables cahutes en planches, grelottant au vent.
D'en bas, de la rue Wurtz, par exemple, au soleil, l'aspect est pittoresque ; la nuit, c'est sinistre... On se sent-dans le désert, avec la crainte de rencontrer quelques-unes de ces bêtes fauves à face humaine, qui, bien plus redoutables que les lions et les tigres, grouillent dans le dessous des grandes villes.
Une des rues qui se détachent, de la rue de la Butte-aux-Cailles, pour rejoindre la rue de Tolbiac, s'appelle la rue de l'Espérance. Elle s'entrecroise, juste avant d'arriver à la rue de Tolbiac, avec la rue de la Providence. A l'angle des deux rues dont les noms, si étrangement choisis, montrent, soit dit en passant, que l'édilité parisienne n'est pas toujours ennemie d'une ironique gaieté, se dressait à l'époque de notre récit — car tout cela depuis, a été transformé — une maison composée en tout et pour tout d'un rez-de-chaussée et qui se trouve comme isolée, par les terrains vagues qui l'entourent. Elle tombe en ruines et pour qu'elle ne s'écroulât point, il avait fallu l'étayer massivement de tous les côtés.
On aurait pu la croire inhabitée... Mais sur la façade peinte en un rouge sombre qu'ont délayé les pluies se lisent les mots fatidiques : « Vins et liqueurs » avec cette enseigne : « Au Lapin guillotiné » que commentait une peinture grossière dont le plâtre se fendillait et s'en allait par morceaux. Elle représente un lapin qui, les pattes liées derrière le dos, est amené, vers l'instrument de mort légale.
Et le bourreau, ses aides, les gendarmes qui entourent le patient, sont vêtus en cuisiniers avec la toque blanche et le tablier blanc.
Et si, en passant, vous aviez jeté un rapide regard par la porte plutôt entrebâillée qu'ouverte, vous eussiez vu le traditionnel comptoir de zinc. On se demandait quels sont les êtres capables d'aller s'abreuver là ; puis on réfléchissait que cette maison, plutôt louche encore que borgne, devait être une des nombreuses « souricières » que la police a intérêt à tolérer à Paris pour savoir à peu près où retrouver les gens qu'elle surveille en attendant qu'ils aient fait le mauvais coup qui doit les livrer à la justice. Autrement cet étrange débit de vins n'aurait pas sa raison d'être.
Ce fut là qu'après avoir lentement, pesamment parcouru la rue de la Convention et l'interminable rue d'Alésia, puis un bon bout de la rue de Tolbiac, arrivèrent Emmanuel Levangard dit le Caporal, et Brocheriou dit l'Aztèque.
II était quatre heures du matin, la nuit était très noire, un vent froid soufflait.
Mais quelle que fût l'âpreté glacée du vent, elle n'empêchait pas les deux voyageurs de ruisseler de sueur, tant il leur avait fallu déployer d'énergie presque désespérée pour fournir cette dernière étape.
Mais qu'est-ce que, cela faisait et qu'importaient maintenant leurs fatigues, leurs souffrances, puisqu'ils étaient arrivés?
— Vrai ? interrogea Emmanuel d'une voix qui tremblait, de la voix de ceux qui, de peur d'une déception nouvelle, n'osent plus croire à rien ; nous y sommes ?...
Mais Brocheriou lui montra, du geste, la silhouette vaguement estompée dans les ténèbres du débit de vins à l'angle de la rue de l'Espérance et de la rue de la Providence.
— Tiens ! dit-il, c'est là.
Mais il regardait autour de lui, s'assurait que les alentours étaient, bien déserts, ne se souciant pas d'être vu, au moment où il franchirait le seuil du refuge vers lequel depuis si longtemps tendaient toutes ses pensées.
Il n'y avait personne.
Tout était silencieux.
Alors il se risqua, s'avança, suivi d'Emmanuel, vers la maison, en fit le tour et de son index replié frappa aux volets clos d'une des fenêtres.
Lucien-Victor Meunier, dit Lucien Victor-Meunier, né à Montfermeil le 2
août 1857 et mort à Paris en mai 1930, était un journaliste, romancier et
dramaturge français.
Son roman "Le Caporal" est paru sous forme de feuilleton à l'automne
1907.
Le 13e en littérature
Les Gobelins
par
Alexandre Arnoux
Dans le quartier des Gobelins, un gymnase. Des athlètes donnent une représentation suivie par une foule fervente. Dans cette foule un couple a attiré l’attention du narrateur. Elle, Zizine, femme superbe ; lui, petit, contrefait, douloureux. Milarot, champion du monde, est dans la salle.
(1938)
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La Folie Neubourg
par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay
Le promeneur qui remonte le boulevard Auguste-Blanqui dans la direction de la place d'Italie, est frappé par l'aspect pittoresque d'une vieille maison enclose dans le triangle formé par ce boulevard, la rue Edmond-Gondinet et la rue Corvisart.
(1912)
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La rue du Pot-au-Lait
par
Joris-Karl Huysmans
Quelle rue étrange que cette rue du Pot-au-Lait ! déserte, étranglée, descendant par une pente rapide dans une grande voie inhabitée, aux pavés enchâssés dans la boue...
(1874)
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La gare de la Maison-Blanche
par
Eveling Rambaud et E. Piron
Honoré fit halte avenue d'Italie, devant la station du chemin de fer de Ceinture. Il sauta sur le trottoir en disant :
— Cherche, Bob, cherche !
(1894)
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Butte-aux-Cailles
par
Charles Derennes
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
(1907)
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Ruelle des Reculettes
par
Eugène Bonhoure
— Où demeure le pharmacien? demanda Furet.
— Au coin de la rue Corvisart et de la rue Croulebarbe.
— Est-ce qu'il y a deux chemins pour y aller ?
(1889)
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Tout le 13e
par
Séverine
À l'horizon, passé la plaine de la Glacière, vers la poterne des Peupliers, les « fortifs » verdoyaient comme une chaîne de collines.
(1909)
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Saviez-vous que... ?
Le 13 décembre 1892, M. Béchu, porteur aux Halles, demeurant rue Beaudricourt, 28, apportait, au commissariat de M. Perruche, un obus chargé, enveloppé de papier qu’il venait de découvrir, â 5 heures du matin, contre la porte d’une maison rue de Tolbiac, à l’angle du passage du Moulinet.
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En 1882, l'ouverture de la rue de Tolbiac entre le carrefour des avenues de Choisy et d'Ivry et le carrefour de la rue Domrémy était achevée.
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Le passage souterrain de la porte d'Italie fut inauguré le vendredi 26 juin 1936 par la Municipalité de Paris en présence de M. Marx Dormoy; sous-secrétaire d'État à la présidence du Conseil.
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En 1906, on pouvait aller directement de Glacière à la gare de Lyon en métro. Sans changement !