Faits divers

 Un des suspects est arrêté - Le Journal — 1er octobre 1922

L'assassinat de la petite Barbala

Un des suspects est arrêté

Le Journal — 1er octobre 1922

Les inspecteurs de la police judiciaire qui, sous la direction de M. Guillaume et du brigadier Rousselet, s'efforcent de percer le mystère qui entoure la mort de la petite Suzanne Barbala, se sont employés, hier, méthodiquement, à éliminer les diverses pistes qu'une première enquête a fait naître.

L'avenue d'Italie, là où passa peut-être la petite Barbala

Dans une affaire aussi délicate il faut du temps : il faut compter, en effet, avec les innombrables témoins, animés d'ailleurs de la plus louable bonne volonté, qui ayant cru voir ou entendre quelque chose d'intéressant, s'empressent d'en informer la police.

Parmi tant de déclarations il peut s'en trouver de précieuses qui aiguillent les recherches sur Ia bonne voie. Aucune d'elles ne doit être négligée. Nous avons hier signalé les plus intéressants de ces témoignages et nous ayons laissé entendre que deux d'entre eux au moins, celui concernant Viguier, le « détective américain », puis celui — le plus important — touchant l'employé aux abattoirs, avaient donné lieu à de sérieuses investigations.

Les soupçons, qui, un moment, avaient pesé sur le garçon boucher, ont été rapidement dissipés. L'après-midi du crime, en effet, ce garçon se trouvait chez son patron où il travailla jusqu'au soir.

Une personne de très bonne foi avait, disait-on, affirmé que le signalement de cet employé correspondait à celui d'un inconnu qui avait été aperçu avec la petite Suzanne sur un banc de l'avenue d'Italie.

Vérification faite, ce n'était là qu'un racontar.

Du côté de Viguier, qui quelques jours après la disparition de l'enfant se présenta chez les parents et se fit remettre de l'argent, rien non plus à espérer.

Viguier a été arrêté, hier, à Vincennes, et il paraît établi qu'on ne saurait lui amputer le meurtre : le 1er septembre l’escroc se trouvait dans le Midi et n'est revenu à Paris que plusieurs jours après.

Voici comment il s'est fait prendre : depuis quelque temps — certains disent le lendemain de la découverte du crime — des habitants de Vincennes s'étonnaient des allées et venues d'un individu qui se disant détective et spécialisé dans les recherches des personnes disparues, parcourait la ville.

Dans la journée on le voyait souvent dans un café situé au coin de la rue de Montreuil ; le soir on le rencontrait toujours dans un cinéma voisin.

Parlant aisément, présentant bien, Augustin Viguier se liait volontiers avec les gens, mettant en valeur à tout propos sa profession de détective.

Il reconnaissait une partie des faits que donnaient les journaux sur le meurtre de Suzanne Barbala et déclarant qu'il recherchait toujours non plus seulement l'enfant, mais encore son assassin, il montrait à l'appui de ses dires la photographie de la petite victime.

Il fit la connaissance d'un jeune garçon qu'il invita un soir à aller au cinéma, mais la mère de l'enfant pria son fils de n'en rien faire.

Lorsque les journaux relatèrent la dernière escroquerie de Viguier, tous ceux qui le connaissaient le dénoncèrent.

M. Badin, commissaire de police de Vincennes, assisté de M. Paluel son secrétaire, et de l'inspecteur Pierrot, se rendit à l'hôtel qu'habitait Viguier, avenue de Paris.

Mais celui qu'ils venaient chercher n'y était plus. Il était parti la veille en emportant ses hardes. Pour son malheur, il eut la fâcheuse inspiration d'aller se promener dans les environs. Reconnu par M. Badin, il-était arrêté quelques instants après.

Né à Saint-Raphaël (Dordogne), en 1892, Viguier est un vieux cheval de retour coutumier de l'escroquerie, puisqu'il a déjà été condamné sept fois pour des faits du même genre. Il a été conduit devant M. Guillaume qui l'a minutieusement interrogé sur son emploi du temps le 1er septembre. II a été envoyé au Dépôt pour escroquerie.

Les recherches des inspecteurs se sont plutôt dirigées du côté du personnel ancien et actuel du cinéma.

Un moment on avait soupçonné un ex-opérateur parti le 26 juillet dernier, mais cet opérateur, qui a été retrouvé en province, a pu prouver que lui-même et son patron, le jour du crime et le lendemain, travaillèrent à la projection de nouveaux films. Le seul fait intéressant qui ait été relevé est la présence, sur la grille qui clôt le cinéma, d'un dispositif — qu'il faut connaître — et qui consiste en une sorte de verrou qui se ferme automatiquement lorsqu'on rapproche les grilles l'une de l'autre.

Le
problème
reste
entier

Celui qui a pénétré dans le cinéma, même avec une clef, devait connaître ce détail. Est-ce quelqu'un d'étranger au personnel ? Ce n'est pas impossible. A l'occasion de réparations, des ouvriers ont pu entrer dans la salle ; ceux qui jadis ont appartenu à l'établissement ont pu également y introduire des camarades. Tout cela est à vérifier et il se pourrait que l'enquête y trouvât des éléments intéressants.

Il serait vain, cependant, de cacher que le problème reste entier. Où Suzanne Barbala a-t-elle connu son meurtrier ? Certains disent que, dans un restaurant situé dans le voisinage de la maison du boulevard du Port-Royal, venait souvent un homme de mise correcte, assez grand, entièrement rasé, qui, à la longue, rencontra l'enfant et lui parla. Quel était cet inconnu ? Personne n'en sait rien. On ajoute cependant que l'homme fut rencontré plusieurs fois avec l'enfant. Est-ce l'assassin ?


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Saviez-vous que... ?

Le 19 juillet 1927, le nom de rue de Gentilly fut donné à la rue du Gaz. Le nom de rue de Gentilly avait été, jusqu'en 1899, celui de la rue Abel-Hovelacque d'aujourd'hui. Cette nouvelle rue de Gentilly perdit ensuite son nom au profit de Charles Moureu et d'Albert Bayet.

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La statue de Jeanne d'Arc située boulevard Saint-Marcel est due au sculteur Émile-François Chatrousse renommé pour être représentatif de l'art du Second Empire.

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Le 11 septembre 1888, à la fête des Gobelins qui se tenait place d'Italie, le dompteur Edmond Pezon (de la célèbre famille Pezon) faillit être dévoré par le lion Roland.

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Henri Pape (1789-1875), dont une rue du quartier Maison-Blanche honore la mémoire, était fabricant de pianos. Selon Wikipédia, Henri Pape déposa 137 brevets concernant le piano. Il sera par exemple à l'origine de la garniture des marteaux avec du feutre (1826) et du croisement des cordes, tendues en diagonale, les cordes graves passant au-dessus du plan des autres cordes, afin d'augmenter leur longueur (1828).

L'image du jour

rue Nationale - Quartier de la Gare (image colorisée)

La rue Nationale était l'axe majeur du quartier de la Gare. La rue Jeanne d'Arc n'était pas encore transversante et était dédiée à l'industrie. La rue Nationale rassemblait commerces et services. Elle était le centre de l'animation d'une vraie vie de quartier populaire qui fut voué à la destruction par son classement en « ilôt insalubre ».  ♦