Les habitants du passage Barrault demandent des égouts
L’Intransigeant — 1er avril 1928
Quand vous longez le boulevard Blanqui, soit à pied ou empruntant la voie des airs où court un chemin de fer électrique, vous n’apercevez que chantiers, magasins, entrepôts, glacières. Avez-vous jamais songé qu’il existe là, tout près de vous, des ruelles sordides où des enfants poussent et grandissent, sans air et sans lumière, ignorants de ce que peut- être l’hygiène ?

Source : IGN - Remonter le temps
Arrêtez-vous visiter l’impasse Prévost et le passage du même nom, la rue Palmyre... Poussez jusqu’au passage Barrault... Les mêmes maisons lépreuses où le jour ne pénètre guère... Sur les pavés disjoints, les moineaux cherchent leur pitance... Des gamins jouent dans les ruisseaux où croupit une eau savonneuse. La Ville de Paris, qui arrose toutes les nuits les rues de la capitale, doit ignorer ces quartiers désolés. Il faut avouer que les autos-balayeuses n’y pourraient passer... Je m’arrête devant une porte fermée. Au-dessous d’un judas cet écriteau : « Madame Marchal reçoit tous les jours, de midi à 7 heures. » Que diable peut bien faire cette généreuse personne ?... À travers le judas, je distingue une cour sale où s’entassent des caisses et de vieux litres de pétrole. Pourtant, par-dessus le mur, on aperçoit un grand, atelier entièrement vitré... Malheureusement, il n’est qu’onze heures, et je ne saurai sans doute jamais...
Les locataires du passage Barrault se sont émus et ont adressé une-lettre collective au préfet de la Seine, réclamant qu’on leur vienne en aide et décrivant la puanteur , sordide qui émane de toutes ces impasses.
« ...Ces eaux stagnantes sont un danger pendant les journées de chaleur pour.la santé publique et nous nous demandons ce qu’il adviendrait, en cas d’épidémie, des nombreux enfants habitant le passage.
« Nous vous signalons que certains propriétaires ne font vider les fosses que lorsque celles-ci sont complètement pleine.
« Un égout collecteur s’impose.
« En ce qui concerne l'éclairage, deux becs « papillon » en tout et pour toute une longueur de 173 mètres...
« Ne parlons pas du ravalement. »
II faut que le cri de ces malheureux soit entendu. À défaut de confort, il y a là un abcès qu’on doit crever. Les rues peuvent être pavées de façon que les eaux n’y séjournent pas. Et si les balayeuses n’y peuvent passer, on peut faire dériver une prise d’eau. Après quoi, il restera à éduquer les gens de ce quartier. L’hygiène doit être exigée de tous, mais qu’on leur en donne les moyens.
On songe à embellir Paris ; que l’on commencé par supprimer ces cités lépreuses. L’air et la lumière sont les premiers apports d’un rajeunissement.