La rue Henry-Becque
La Gazette de France — 30 septembre 1910
Henry Becque, dont il est tant question pour le quart d'heure, n’a qu’une moitié de rue, comme une moitié de gloire. Un de nos confrères a eu la curiosité de partir à la recherche de cette rue :
Nous redescendons la rue de l’Amiral Mouchez et nous allons atteindre de nouveau la rue d’Alésia quand soudain, à notre droite, une plaque bleue : rue Henry Becque ! Nous y sommes. Les dieux soient loués !
Eh bien, la rue à laquelle l’auteur des Corbeaux a donné son nom est pour le moins étrange. La ruelle Mauny que nous avons aperçue tout à l’heure en constitue presque la moitié. De là notre erreur. Cette ruelle se compose d’un escalier et d’une déclivité pavée lesquels s’engouffrent dans un extraordinaire chaos de constructions branlantes, de jardins potagers, de basses-cours. Il y a là un vieux puits avec sa margelle polie et sa poulie rouillée, un berceau de vigne vierge, du linge qui sèche sur des cordes : vestiges de l’ancienne vallée de la Bièvre dont les odeurs persistent encore. Une balustrade de fer sépare de ce site pittoresque la rue Henri-Becque. C’est ensuite une palissade en planches que décorent de vieilles affiches électorales de M. Ferdinand Buisson. Et puis c’est la rue Brillat-Savarin.
De l’autre côté, face au trou d’où jaillissent des cris d’oies et de canards, et des verdures enchevêtrées, la rue Henry-Becque offre une suite de murs percés de rares ouvertures dont l’une porte le numéro 8. Des montagnes de tessons de bouteilles, des détritus variés se montrent par dessus. Et c’est toute la rue Henry-Becque. Pauvre Becque !