Le Journal des débats politiques et littéraire —22 novembre 1905
Une délibération municipale, approuvée par un arrêté préfectoral que ratifia,
le 28 juillet dernier, un décret présidentiel, a donné le nom de Paul Verlaine
à une place sise à Paris dans le 13e arrondissement, à l'intersection des rues
Bobillot, du Moulin-des-Prés et de la Butte-aux-Cailles. Nul n'y a contredit,
si ce n'est peut-être quelque vieux sergent de ville ayant eu occasion d'offrir
son bras un peu rudement au poète trébuchant, et que cet honneur posthume aura
surpris. De même, qu'auraient dit les archers du guet qui eurent souvent mission
d'appréhender maître François Villon, s'ils avaient vu, un beau jour, son nom
inscrit aux coins d'une rue de la ville ! Cette stupeur leur fut épargnée,
car si Villon figure dans la Nomenclature des voies publiques de Paris — et
c'est justice — ce n'est que depuis 1897 il aura pausé bien plus longtemps
que Verlaine.
La place Paul Verlaine vers 1910.
À vrai dire, pour celui-ci, son affaire n'est pas encore réglée. En dépit
des arrêtés et décrets, l'entrepreneur des plaques émaillées de la Ville, —
qui sans doute appartient à une autre école poétique que feule pauvre Lélian,
— fait la sourde oreille. Nous eûmes, l'autre jour, la curiosité de nous transporter
au carrefour précité et là où nous comptions lire : Place Paul-Verlaine,
conformément aux volontés municipale, préfectorale et présidentielle, nous fûmes
tout simplement Place du Puits-Artésien, inscription à un exemplaire
unique, dominant un square minuscule qui â lai seul constitue la place, car
les maisons environnantes appartiennent toutes aux rues qui la bordent.
Ces réserves faites, il faut convenir qu'on :ne pouvait trouver meilleur
emplacement. Les choses et les êtres ont leurs affinités, même dans l'au-delà.
On imagine malaisément une place Paul-Verlaine au quartier du parc Monceau à
la butte aux Cailles elle se trouve à l'aise, dans un double élément de poésie
mélancolique et de vie miséreuse, où trop souvent le second élément se complique
de vice, vice brutal et effronté des gens qui font bon marché de l’existence,
la leur et celle des autres.
Mais n'y voyons que la poésie. À cet égard, oh ! l'étrange quartier,
qui s'est donné à lui-même, sans fausse honte, le triste et joli nom de « faubourg
souffrant » et avant que l'édilité y pourvût, avait baptisé ses rues de
noms pittoresques le Moulin-des-Prés, la Butte-aux-Cailles, la ruelle des Reculettes,
la rue Croulebarbe, la rue des Peupliers, le Champ-de-l'Alouette, Lourcine,
ou de vocables d'une ironie gaie : rue du Château-des-Rentiers, rue du
Dessous-des-Berges, rue des Cinq-Diamants et naguère, rue de la Coupe-des-Terres-au-Curé.
Jusqu'à 1860, ce territoire appartenait mi-partie à la Commune d'Ivry, mi-partie
à celle de Gentilly. Il fut alors annexé à Paris, dont il constitua le 13e arrondissement,
et ce fatidique chiffre 13 est encore une preuve qu'aux pauvres gens tout est
peine et misère. Voici comment dans le remaniement et l'agrandissement du plan
de Paris rendus nécessaires par l'annexion, le 13e arrondissement était d'abord
attribué aux communes annexées de Passy et d'Auteuil. Le Syndicat de propriétaires
qui s'occupait alors de bâtir l’opulent quartier des abords de la porte Dauphine,
réclama si vivement auprès d'Haussmann contre le mauvais sort que lui vaudrait
an tel chiffre qu’il fallut tout changer au dernier moment. Le-faubourg souffrant,
lui, ne protesta pas ou s'il le fit, ce fut comme s'il chantait.
C'est à la Bièvre, qu’il doit son charme si spécial, — celui d'une jolie
fille on haillons, — et leurs destinées furent semblables pures à l'origine
et souillées au contact des humains. Qui n'a admiré la vallée de la Bièvre,
là-haut, du côté de Buc et de Jouy-en-Josas Il n'est pas de plus riant décor
aux environs de Paris. La petite rivière descend lentement et comme à regret
vers la grande ville. À mesure qu'elle s'en approche, le tableau change, et
s'enlaidit. A l'herbe des prairies, ont succédé de grandes bâtisses manufacturières
qui transforment l'eau limpide en un liquide noirâtre, et c'est dans cet état
que le pauvre ruisseau entre timidement dans Paris, qui achève de le corrompre
et d'en faire un égout.
Des poètes l'ont chanté, cependant, mais en prose Delvau en a fait sa Voulzie,
à lui Hugo a conduit Marius et ses angoisses amoureuses dans le champ voisin
de l'Alouette. M. Huysmans lui a consacré une Étude frissonnante, qu'on dirait
écrite avec un scalpel. Nous le répétons, la mémoire de Verlaine est bien à
sa place sur ces rives, qui offrent le reflet de son existence, faite de misère
et de poésie.
Fernand Auguste Marie Bournon (1857-1909 était archiviste
et historien spécialiste de l'histoire de Paris. Il est l'auteur de Paris,
Histoire - Monuments - Administration - Environs de Paris, paru en
1888, du Paris-Atlas paru chez Larousse en 1900.
Saviez-vous que ...
Les travaux d'aménagement de la Place d'Italie furent terminés en 1879 et celle-ci fut considérée comme l'une des plus belles de Paris.
On donne à la rue de la Croix-Rouge la dénomination de Domrémy. village du département des Vosges, où naquit Jeanne d'Arc; la route de Fontainebleau devient route d'Italie, la place de la barrière d'Ivry devient la place Pinel... (1868)
Si le vieil hôtel de Sens est, sur la rive droite de la Seine, un édifice curieux à voir, deux hôtels non moins anciens et tout aussi intéressants s'offrent sur la rive gauche, dans le quartier des Gobelins, aux yeux des amateurs du gothique. (1878)
Le boulevard Saint-Marcel prend naissance au boulevard, de l'Hôpital, vis-à-vis la Salpêtrière, et va aboutir en ligne directe à l'avenue des Gobelins, où il se rencontre avec les boulevards Arago et Port-Royal pour former un spacieux rond-point. (1882)
Ce n'est jamais sans un sentiment de gêne, pour ne pas dire de honte, qu'en arrivait aux portes de la grande, cité parisienne, on franchit cet espace de 250 mètres de largeur qui longe encore en une ceinture presque continue les fortifications et qu'on appelle la Zone. (1932)
Les jardins des Gobelins forment dans un quartier populeux une oasis de fraîcheur et de verdure. Ils couvrent près de trois hectares et constituaient naguère une île entre deux bras de la Bièvre. (1933)
Une large tranchée est actuellement creusée, pour l'établissement d'une conduite cimentée, sur le trottoir, à l'extrémité du boulevard St-Marcel, près de l'avenue des Gobelins. (1913)
On sait que la reconstitution partielle des Gobelins fut entreprise, il y a près de deux ans, sous l'habile direction de MM. Formigé et Jossely. La façade du nouveau, bâtiment est déjà en partie débarrassée, de ses échafaudages. (1913)
Tout un coin du quartier de la Maison-Blanche est en fête : dans quelques jours on inaugurera solennellement la nouvelle et légère passerelle métallique qui, passant au-dessus des voies du chemin de fer de Ceinture, à la Glacière, relie maintenant entre eux deux points jusqu'à présent fort éloignés l'un de l'autre. (1907)
À deux pas de la porte d'Italie, dans un grand espace situé rue Bobillot, se trouve une succession de masures misérables qui furent habitées, il y a une vingtaine d'années, par des nomades africains, prompts à jouer du couteau. (1910)
Les quartiers pauvres et populeux de Paris sont négligés ou dédaignés par l'administration, tandis que les quartiers élégants sont « embellis » à grands frais. Cette iniquité, à laquelle personne ne songe, et dont beaucoup de citoyens ont malheureusement à souffrir, a fini par provoquer les plaintes légitimes des habitants du 13e arrondissement, c'est-à-dire du coin abandonné qui comprend la route d'Italie, les Gobelins, la Bièvre et la Butte-aux Cailles. (1869)
Le conseil ayant décidé, en 1899, après de lentes et nombreuses études, de faire procéder à la couverture de la Bièvre « dont les émanations exercent une influence fâcheuse sur la santé des riverains... (1907)
Une rivalité existait, depuis plusieurs mois, entre deux individus peu recommandables, François Palisse, âgé de dix-neuf ans, et Louis Champaumier, de deux années plus jeune.
Il faudrait battre longtemps Paris pour y trouver quelqu\'un de comparable à M. Enfert, qui vient de faire bénir, à la Maison-Blanche, une nouvelle œuvre. (1897)
A neuf heures du soir, à deux pas de l'avenue d'Italie, assez animée à pareille heure, trois bandits ont attaqué et dépouillé un passant qui a succombé aux blessures qu'ils lui avaient faites.
A dater du 28 octobre 1923, la S. T. C. R. P. mettra en service une nouvelle ligne d’autobus dénommée AI bis, « Place d’Italie-Gare Saint-Lazare » (1923)
Le dompteur Letort, attaché à la ménagerie de M. Adrien Pezon, vient d'être victime d'un accident qui, heureusement pour lui n'aura pas de suites graves.
Une triste nouvelle nous arrive du front. Eugène Bonneton, le peintre délicat du vieux Paris, de la Bièvre et des hivers parisiens, vient de s'éteindre dans une ambulance de l'Argonne. (1915)
La rue des Cordelières se trouve dans le treizième arrondissement, près du boulevard Arago, dans un quartier qui, la nuit, est peu éclairé, insuffisamment surveillé, et où les habitations sont assez clairsemées, entre de grands établissements de tannerie et de peausserie.
Au cours de sa dernière session, le Conseil municipal a été unanime à approuver le projet présenté par le préfet de la Seine relatif à l'assainissement de la cité Jeanne-d'Arc. (1934)
Un nommé Alexis Fellion, âgé de trente-six ans, ouvrier corroyeur, avait fait la connaissance, il y trois mois environ, d'une jeune ouvrière mégissière avec laquelle il se mit en ménage. Ils demeuraient rue du Champ-de-l'Alouette.