Un drame stupide
Pour guérir sa femme du mal de tête, un ivrogne lui fend le crâne à coup de hache
L’œuvre — 21 mars 1935
Dans un petit café de la place Pinel, un terrassier, Louis Pruvost, dit « Petit-Louis » s'approchait hier soir du comptoir de zinc. Il commanda un verre de gros vin rouge et se tournant, tout à coup, vers une de ses connaissances, M. Rajot, il lui dit en le regardant dans les yeux :
— Ma femme est guérie de ses maux de tête, je viens de lui ouvrir le crâne avec ma hache ! Ces femmes, ajoutait-il, ont tous les jours un mal nouveau qui les prend.
Le patron du bar et les consommateurs regardèrent « Petit-Louis » d'un air ahuri. Quelqu'un, connaissant les habitudes d'ivrognerie du terrassier, secoua la tête et glissa vers les personnes présentes un regard significatif.
— Oui, Lisa est morte, reprit Pruvost et je vous assure, mes « potes » que si vous aviez été là, je vous aurais fendu le crâne également...
Il frappa sur l'épaule de M. Rajot et ajouta en vidant son verre d'un trait :
— Vois-tu, mon vieux, quand on commence à cogner, on ne peut plus s'arrêter.
Après quoi il sortit tranquillement du bar, héla un taxi et, avant de partir envoya un sourire aimable à la compagnie.
Malgré sa stupéfaction, M. Rajot se tourna vers ses compagnons et leur dit :
— Petit-Louis est sûrement ivre, mais tout de même il faut aller voir ce qui se passe chez lui.
Avisant un voisin de palier du terrassier, M. Bonnet, il le pria de frapper à la porte et de prendre des nouvelles de la compagne de Pruvost.
Mais personne ne répondit et Police-Secours alerté fit enfoncer la porte.
L'homme n'avait pas menti. Mme Chavanne, l'amie du terrassier, était morte, le crâne complètement défoncé.
" Le lait est trop chaud "
Le signalement du meurtrier fut immédiatement radiodiffusé. Peine inutile, il s'était constitué prisonnier, au commissariat de police de Saint-Fargeau.
Transféré, hier matin, devant le commissaire de police de la Salpêtrière, Pruvost a raconté son crime avec inconscience.
— Mon amie, a-t-il dit, était couchée, malade depuis quelque temps. Moi-même, j'étais resté sans travail depuis plusieurs jours, m'étant blessé sur le chantier. Hier après-midi, ne sachant que faire, j'étais remonté dans mon logement et pour me distraire je me mis à couper du bois.
« Vers le soir, ma femme m'a demandé à boire, je lui ai fait chauffer du lait, mais elle me déclara aigrement : « Il est trop chaud. » Je suis patient ( ! ), Je suis allé à la cuisine et j'ai mis un peu d'eau dans le lait. « Il est trop froid, maintenant » a-t-elle déclaré.
« Alors, une discussion a commencé qui n'avait aucune raison de prendre fin. Tout-à-coup, poussé à bout et obéissant à je ne sais quel instinct je me précipitais sur ma compagne et je lui brisais la tête d'un coup formidable de ma hache. »
Les renseignements recueillis sur le terrassier sont assez défavorables. Il se livrait à la boisson et réclamait continuellement de l'argent à sa femme qui vendait des dentelles sur le marché Jeanne-d'Arc.
Affalé sur les banquettes du commissariat après ses cyniques aveux. Pruvost plaisantait avec les photographes.
— J'ai une tête sympathique, hein ! ricanait-il, cela n'empêche pas que j'ai tué ma femme.
A lire également
Le récit du drame dans L'Intransigeant
Vingt ans de travaux forcés pour avoir tué une femme à coup de hachette