Rue du Chevaleret
On découvre, dans un terrain vague le corps, horriblement mutilé d'un inconnu
L'infortuné, qui a, croit-on, été assassiné, a été à moitié dévoré par les rats et car les chiens
Le Matin — 14 janvier 1938
Un crime, sur les circonstances duquel plane le plus épais mystère l'identification de la victime semble devoir être des plus malaisées a été découvert, hier soir, dans le quartier de la Gare, où on a trouvé, dans un terrain vague, le cadavre d'un inconnu, en partie dévoré par les chiens ou par les rats.
L'absence de tout élément pouvant permettre l'identification de la victime pose à la sagacité des policiers une énigme des plus ardues à résoudre.
Vers 18 h. 30, hier soir, une habitante du quartier, Mme Hugon, passait au fond d'un vaste terrain vague, bordé, d'une part, par la rue du Chevaleret, d'autre part, par la rue Regnault, lorsque, à la faible lueur d'un des réverbères placés de l'autre côté du mur bordant la première rue, elle aperçut un cadavre. Mme Hugon courut prévenir la police.
M. Dufour, commissaire de police du quartier de la Gare, et les inspecteurs Maizaud et Thiébaut, de la police judiciaire, procédaient, quelques instants plus tard, aux premières constatations.
Le cadavre, entièrement nu, était celui d'un homme d'une cinquantaine d'années. Le bras gauche manquait et la main droite était rongée, ainsi que la partie gauche du thorax et la tête, dont il ne restait guère que les os. Des chiens ou des rats avaient, semble-t-il, dévoré les parties mutilées du corps.
À trois mètres de là, à côté du mur du terrain, les enquêteurs découvrirent posé sur un journal daté du 13 novembre, un rasoir ensanglanté. Sous le corps se trouvaient, abimés par la pluie une gabardine grise, un veston et un pantalon noirs ; à côté un chapeau melon et une chaussure basse, de couleur jaune.
Dans les poches des vêtements on découvrit un portefeuille vide marqué aux initiales P. S. et un portemonnaie contenant quatre francs.
Le docteur Paul, médecin légiste, examina sommairement le cadavre dont l'autopsie complète sera effectuée ce matin. Des traces très nettes de coups de rasoir au bas-ventre permettent, d'ores et déjà de déclarer qu'il s'agit d'un crime.
Quelle est la personnalité de la victime ? Les mutilations subies par le cadavre et le mauvais état des vêtements du malheureux rendent difficile la tâche des enquêteurs. Quant aux circonstances du drame, l'absence du moindre témoignage la mort de l'inconnu, remontant, semble-t-il, à une quinzaine jours ne permet pas, pour l'instant, la moindre hypothèse.
Les magistrats de la permanence du parquet et M. Badin, commissaire divisionnaire, se sont rendus sut place dans la soirée. Ils ont décidé de procéder dès ce matin, à de minutieuses recherches dans le terrain vague.