Un drame à la Butte-aux-Cailles
Le Figaro — 23 janvier 1899
Il y a une quinzaine de jours, venait habiter, 23, rue du Moulinet, une famille de miséreux, composée d'un homme, d'une femme et de quatre enfants, âgés de seize, quatorze, douze et neuf ans. L'homme, Jules Saujon, est chiffonnier, journalier quand il trouve de l'ouvrage. La femme, veuve depuis huit mois d'un nommé Noël, mort à l'hôpital, chiffonne et mendie... C'est M. Enfer, directeur du patronage Saint-Joseph, rue Bobillot, qui, voyant leur situation, les logea là, paya un mois de loyer et les autorisa à venir tous manger à la « Mie de pain », société de secours qui fait partie de son patronage.
L'aîné des enfants, Victor Noël, a eu la fièvre typhoïde et a été enfermé à Bicêtre. Il est guéri, mais n'a pas très bien la conscience de ses actes.
Hier, à. une heure et demie, l'un de ses frères était descendu de leur mansarde avec des sabots aux pieds. Victor le suivit et lui enleva les sabots, qu'il se mit à déchiqueter avec un couteau. Comme le petit criait, la mère intervint et prit Victor par le bras en le réprimandant.
Victor se secoua pour se dégager, donna un soufflet à sa mère, puis, du couteau qu'il tenait à la main, il la frappa à la cuisse gauche.
À cette vue, les trois autres enfants s'en fuirent en criant à l'assassin. Saujon courut chercher un gardien de la paix et Victor fut conduit au bureau de M. Remongin, commissaire de police.
La blessure de Mme Noël est légère. Après un premier pansement, elle a pu rentrer chez elle.
