La « Folie russe »
Le Petit-Parisien — 15 octobre 1896
Il est à remarquer que les grands événements ont leur répercussion dans le cerveau des malheureux que la folie guettait évidemment depuis longtemps. Le séjour des souverains russes à Paris n'a pas manqué de fournir son contingent de fous.
Le Petit-Parisien a enregistré déjà plusieurs cas, les plus curieux ; mais la série n'est pas finie. La folie russe a fait hier de nouvelles victimes.
La première est un nommé Augustin Junian âgé de trente-quatre ans ouvrier ferblantier demeurant rue Pinel
L'infortuné s'imaginait être un messager d'état de l'empereur de Russie poursuivi par une bande de loups au milieu des steppes .
Hier matin, vers quatre heures, Junian courait à perdre haleine sur le boulevard de l'Hôpital se retournant de temps à autre pour tirer des coups de revolver sur des fauves imaginaires.
Un projectile atteignit à la cuisse droite une chiffonnière la veuve Florentine Maphes, âgée de cinquante-huit ans, demeurant rue des Malmaisons qui était en train de faire sa cueillette.
Aux cris de la blessée et au bruit des détonations, des gardiens de la paix accoururent et s’emparèrent non sans peine de l'aliéné.
— Laissez-moi, criait Junian, il faut que je transporte les dépêches du tsar il compte sur moi. Aidez-moi plutôt à tuer les loups.
Monsieur Perruche, commissaire de police, qu'on était allé prévenir a fait conduire le pauvre fou à l'infirmerie spéciale du Dépôt.