Fait scandaleux.
Le Matin — 5 janvier 1893
On nous signale un fait absolument inouï qui s'est passé la nuit dernière dans le treizième arrondissement.
Vers trois heures et demie du matin, des gardiens de la paix qui passaient rue de Tolbiac rencontraient, sur le pont jeté au dessus de la rue au Moulin-des-Prés, un individu en proie à une vive agitation. En voyant les agents s'approcher de lui, l'homme s'écria : « Attention, je vais piquer un tête ! » Et il se précipita dans le vide.

Relevé très grièvement blessé, le désespère fut transporté à l'hôpital Cochin par les agents, qui sonnèrent à la porte de cet établissement éminemment philanthropique. Au bout d'un quart d'heure, le concierge daigna jeter ces mots par une fenêtre à peine entr'ouverte : « Attendez, on va vous ouvrir ! »
En effet, les gardiens de la paix attendirent pendant trois quarts d'heure que le portier d'hôpital voulût bien tirer le cordon. Pendant ce temps, le blessé expira.
Quand l'interne de service se présenta enfin pour examiner la malade qu'on lui amenait, il se trouva naturellement en présence d'un cadavre.
— Si c'est un macchabée que vous m'amenez ici, s'écria-t-il, vous pouvez le remporter !
Force fut donc aux agents de transporter leur lugubre fardeau au poste de police de la Butte-aux-Cailles. Le défunt a été, reconnu pour un sieur Edouard Perrin, âgé de trente-trois ans.
Le corps a été réclamé par son beau-frère, un sieur Hugette militaire retraité, demeurant 8, rue Jonas.
Une enquête sera certainement ouverte par l'Assistance publique pour savoir à qui incombe la responsabilité de ce décès.
Sur la rue Jonas
Origine de la dénomination
Selon Le Figaro du 15 août 1922, " un certain M. Jobé décide d'établir un débouché allant de la rue Samson au boulevard d'Italie. Il n'aurait tenu qu'à lui qu'elle s'appelât la rue Jobé, mais M. Jobé était un modeste. D'autre part, les personnages de l'Écriture Sainte dont il faisait sa lecture quotidienne, lui étaient familiers et il avait toujours éprouvé pour l'un d'eux, Jonas, une sympathie particulière. Avait-il fait fortune dans le commerce des corsets ou bien avait-il subi, capitaine au long cours, de périlleux naufrages ? Mystère. M. Jobé aimait Jonas, voilà tout, et il s'était bien promis que lorsque l'occasion s'en présenterait, il n'oublierait pas le plus humide et le plus cordial des « douze petits prophètes ». Ce jour lui parut enfin venu et au risque de faire rire ses contemporains, si j'ose dire, comme des baleines, il appela sa rue la rue Jonas."
La rue Jonas dans les faits-divers
"À quelques pas de l'hôtel du « Papillon d'Or » (rue des Cinq-Diamants) s'ouvre une ruelle fort pittoresque, bordée de maisons basses et dont les pavés inégaux retiennent, même par temps sec et par un miracle qu'on ne voit qu'à la Butte-au Cailles, des flaques stagnantes de boue. Cette ruelle, la rue Jonas, est longue seulement de quelques mètres, aboutit à la plus extraordinaire venelle, baptisée pompeusement passage des Artistes. Ce passage n'est, en réalité, qu'un escalier de pierre, zigzaguant, gluant, glissant, qui, s'ouvrant sous porte, se glisse entre les maisonnettes de planches, de papier goudronné, de plaques de boîtes à conserves, dans un décor de misère qu'égaient quelques arbres semés au hasard par le vent. Sur le boulevard Auguste-Blanqui, le passage débouche dans une sorte de cour mal pavée et c'est dans un coin de cette cour que, derrière une table de planches, Mme B… exerce un commerce de journaux."
La rue Jonas dans la littérature
Léon Sazie prit la rue Jonas pour cadre de nombreuses scènes de son roman "La femme rousse". Il y fixa un repère de malandrins connu sous le nom de "La Baleine".
