XIIe ARRONDISSEMENT. — Quartier Saint-Marcel.
La rue de la Reine-Blanche. — L'ancien bourg Saint-Marcel.
De l’influence heureuse que doit exercer sur les quartiers du XIIe arrondissement la création d'établissements utiles, comme celui de la halle aux Cuirs.
Gazette municipale, Revue municipale — 1er octobre 1852
Dans les débats de l'affaire de la rue dite de la Reine-Blanche, l'Administration doit trouver d'utiles enseignements.
La position isolée du quartier Saint-Marcel, l'éloignement de la rue de la Reine-Blanche du mouvement, de la vie de la grande cité, le caractère exceptionnel des habitants de ce faubourg, où domine une population de bohèmes, qui, dans les temps de calamités publiques, annule les généreux instincts de nos ouvriers, tous ces faits sont dignes de la sérieuse attention de l'Autorité Municipale.
Il n'est pas sans intérêt de rappeler quelques souvenirs historiques qui se rattachent à cette rue de la Reine-Blanche, faisant autrefois partie de ce bourg Saint-Marcel, qui est encore aujourd'hui tel qu'on le voyait au moyen âge, c'est-à-dire pauvre et misérable et servant d'égout aux impuretés de la grande Ville.
Nos vieux chroniqueurs nous apprennent que saint Marcel fut inhumé vers l'an 436 au midi de la Ville, dans un champ qui, plus tard, faisait partie du territoire appelé Montcétard, dont on a fait Mouffetard. La mémoire du pieux et digne évêque était chère aux Parisiens, qui élevèrent un oratoire à l'endroit où reposait leur bienfaiteur.
Bientôt le chemin conduisant à cet oratoire fut bordé de constructions qui, sous Louis le Débonnaire, formaient un bourg qui retint le nom de Saint-Marcel. Ce bourg était séparé en partie de celui de Saint-Médard par la petite rivière de Bièvre.
Un arrêt du Parlement de l'année 1296, le jour de la Toussaint, déclara, au sujet d'une taxe que les habitants se refusaient de payer, que le faubourg Saint-Marcel ne faisait pas partie de la ville de Paris.
Mais le bourg Saint-Marcel prit dans la suite un tel accroissement, qu'on lui donna le nom de Ville. C'est sous ce titre qu'il en est fait mention dans les lettres-patentes de Charles VI, le 27 août 1410.
Dans ces lettres, le roi confirme l'octroi par lui accordé aux manants et habitants D'ICELLE VILLE de Saint-Marcel, d'un marché chaque semaine et deux foires par an.
La population parisienne s'augmentant chaque jour, le flot de cette marée montante atteignit, puis absorba bientôt le bourg Saint-Marcel.
Un arrêt du Parlement a la date du 17 juin 1442, le déclara partie intégrante de la Ville de Paris ; mais le peuple lui conserva ce nom de faubourg, seulement avec une légère altération — au lieu de Saint-Marcel, ce fut le faubourg Saint-Marceau. À l'extrémité de ce faubourg, on voyait déjà, à la fin de l'année 1390, une ruelle longue et étroite, qu'on désignait sous le nom de rue de la Reine-Blanche. La mère de saint Louis avait élevé, en cet endroit, un hôtel qui fut souvent visité par les successeurs de son fils. Cet hôtel, dit Sauval, fut démoli en 1392, comme complice de l’embrasement de quelques courtisans qui y dansèrent avec Charles VI ce fameux ballet des Faunes, si connu.
Voici de quelle manière les principaux historiens racontent cet événement :
« Isabeau de Bavière, pour fêter les noces d'une dame allemande à laquelle la Reine était sincèrement attachée, résolut de donner un bal le 29 janvier 1393, dans l'ancien hôtel de la Reine-Blanche, au bourg de Saint-Marcel. À cette occasion elle invita les principaux seigneurs de la Cour. Parmi les personnes qui partageaient les plaisirs de Charles VI, se trouvait un jeune débauché nommé Huguet de Guisay. Pour faire sa cour au roi, il inventa une nouvelle mascarade. Les costumes que devaient porter le Prince, de Guisay et quatre autres seigneurs, étaient composé d'une toile gommée qui prenait exactement la forme du corps ; cette toile fut encore enduite de poix, sur laquelle on colla de la filasse.
Ainsi équipés et le visage couvert d'un masque, le roi de France, Guisay, Nantouillet, le comte de Joigny, le bâtard de Foix et Aimeri de Poitiers, tous attachés par des chaînes, entrèrent en dansant dans la salle du bal. Cette apparition grotesque souleva l'hilarité générale. Le duc d'Orléans, excité par de fréquentes libations, et cherchant à reconnaître les acteurs de cette comédie, prit un flambeau qu'en trébuchant il approcha d'un masque ; soudain le costume s'enflamme ! Le malheureux patient veut fuir, sa chaîne le retient et le feu se communique aux cinq autres ! La salle est embrasée. La reine, effrayée, tombe évanouie !... Le roi allait être étouffé sans la duchesse de Berri, qui, conservant toute sa présence d'esprit, enveloppe le prince dans sa robe, et parvient à éteindre le feu qui le dévorait. Nantouillet, débarrassé de sa chaîne, court et se plonge dans une cuve pleine d'eau. Le jeune comte de Joigny expire dans les douleurs les plus cruelles. Le bâtard de Foix et Aimeri de Poitiers périrent le surlendemain. Les tortures de Guisay durèrent trois jours.
Cet homme aussi cruel que débauché avait l'habitude de frapper, de torturer ses domestiques. Lorsque la-souffrance arrachait quelques plaintes au patient, sa colère s'en augmentait encore, il le faisait périr sous les coups, en s'écriant : « Aboie, chien) » Le peuple, qui a la mémoire cruelle, répéta, en jetant de la boue au cadavre de Guisay ; « Te voilà mort, infâme, aboie donc à ton tour, chien ! » — Le bruit de ce malheureux événement jeta l'alarme dans tout Paris. Pour l'apaiser, le roi fut obligé de se montrer à plus de cinq cents bourgeois, accourus au bourg de Saint-Marcel. Dès le lendemain, les ducs de Berri, de Bourgogne et d'Orléans allèrent en procession, nu-pieds, de la porte Montmartre à l'église Notre-Dame, où le roi vint à cheval et entendit avec eux une messe solennelle en action de grâces de sa conservation. — Charles VI ordonna sur-le-champ la démolition de l'hôtel de la Reine-Blanche.
Il restait encore, il y a quelques années, des vestiges de cette habitation princière dans la maison portant le n° 8.
La propriété rue Mouffetard n° 244, et qui porte le nom de Grand-Louis, a remplacé un hôtel bâti par Blanche de Castille pour le roi, son fils. On voit encore dans cette maison un escalier très-curieux dont la construction parait remonter à cette époque.
La suppression de ce séjour princier enleva à la rue de la Reine-Blanche toute sa circulation, toute sa vie ; bientôt elle devint déserte et tomba dans un oubli dont le procès dont nous venons de parler la fait surgir pour un moment.
La rue de la Reine-Blanche, qui commence à la rue des Fossés Saint-Marcel, pour aboutir à l'extrémité de la rue Mouffetard, n'est pas éloignée de l'emplacement sur lequel doit s'élever la nouvelle Halle aux Cuirs.
On sait tous les efforts tentés par le douzième Arrondissement pour obtenir cet entrepôt, qui créerait une vaste colonie d'artisans, de travailleurs dévoués à l'ordre, au milieu d'une population désœuvrée et si dangereuse.
La Commission officieuse des propriétaires du XIIe Arrondissement a fait monter jusqu'au Chef de l'État l'expression des vœux de plus de près de cent mille habitants, concernant cette création qui doit exercer une influence si heureuse sur l'avenir de nos quartiers pauvres.
Ces vœux vont être exaucés. — L'Entrepôt des Cuirs apportera dans ces quartiers déshérités le mouvement qui féconde et le travail qui moralise.
Louis LAZARE.
Ici Louis Lazare ne fait que citer le Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments publié en 1844 dont il est coauteur avec Félix Lazare. La localisation du bal des Ardents généralement admise est en fait l’hôtel Saint-Pol dans le Marais.
Le Treizième avant le Treizième
Quartier de la Salpêtrière
- Un nouveau mur d'enceinte (1818)
- L'abattoir de Villejuif (1812)
- La rue de la Reine-Blanche. — L'ancien bourg Saint-Marcel (1852)
- L'abattoir de Villejuif (1853)
- Boulevard de l'Hôpital
- Le cabaret de la mère Marie par Alfred Delvau (1859)
Les Deux-Moulins et le quartier de la Gare
Les lieux
Faits divers
- L'assassinat de la Bergère d'Ivry (1827)
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1850
- Un assassinat aux Deux-Moulins - 1851
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1852
- La fabrique d’allumettes prend feu - 1853
- La fabrique d’allumettes prend feu (bis) - 1854
- Une panique (1854)
Quartier Maison-Blanche
Les lieux
- Le Petit-Gentilly (1820)
- Du charbon à la Butte-aux-Cailles ? (1837)
- Chemin de la butte aux Cailles, barrière d'Italie. - 1857
- Le quartier Maison-Blanche vu en 1860 par Philippe Doré