UNE ÉVOCATION DU 13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30

Littérature

 Assassins!!! - 3

3

ASSASSINS !!!

par
Louis Dagé et Paul Vernier
(1881)


PREMIÈRE PARTIE


La Masure du Corbeau Rouge


I
Double attentat
(suite)

Laissons-les continuer leur course et revenons à Sans-Malice et à son ami Négriot que nous avons laissés arpentant les quais à toutes jambes.

Lorsque les deux associés eurent atteint le pont de la Tournelle, ils s’arrêtèrent.

Sans-Malice, les yeux braqués sur la ligne interminable des quais, s’efforçait de percer les ténèbres de la nuit.

Sou camarade, couché à plat ventre, collait son oreille au sol et tâchait du percevoir les bruits lointains.

— Je ne vois rien, dit Sans-Malice à voix basse, après quelques minutes d’examen.

— Moi je n’entends rien, fit à son tour l'autre en se relevant.

— Sacrebleu ! ajouta Sans-Malice, est-ce que le carrossier nous ferait poser ?

— Non, ce n’est pas possible ! observa le brun aux accroche-cœur ; François est trop notre ami... Et puis, il aime la braise !

— Tu as raison... Ne bougeons pas, nous autres !

Ils se couchèrent, pour se dissimuler, le long du parapet, et attendirent.

Dix heures sonnèrent à Notre-Dame. Au premier coup de l’horloge, deux lanternes rouges pointèrent à l’horizon, comme deux vers luisants dans l’herbe, l’été. Seulement ces deux points lumineux, dans cet endroit désert avaient quelque chose de sinistre.

Sans-Malice releva la tête, observa un instant la lueur rougeâtre et dit :

— C’est le Carrossier !

La voiture approchait. C’était un vieux fiacre déhanché à moitié démoli, mais qui, chose étonnante, était traîné par un cheval fougueux.

L’animal avait du sang, c’était une bête de prix.

Le cocher qui conduisait ce stepper avait la figure enfouie dans un immense carrick à triple collet. On ne votait de sa personne que le bout du nez rouge comme une pivoine et deux yeux qui brillaient comme ceux d’un tigre.

En approchant de l’endroit où s’étaient tapis les deux malfaiteurs, le cocher ralentit l’allure du trotteur.

— Pstt ! fit doucement Négriot.

Le cocher s’arrêta tout à fait.

Les deux associés s’approchèrent.

—Sacrebleu ! qu’il fait froid ! dit le conducteur du fiacre.

— Il te faudrait peut-être un calorifère ? interrogea Sans-Malice en ricanant.

— Ça ne serait pas de refus !... Quelle chienne de corvée !

— Plains-toi, quinze mille balles à partager !

— Oui, je le sais bien, sans ça !... Enfin, voyons, où faut-il stationner ?

— Là-bas, de l’autre côté du pont, devant cet antique hôtel.

— Ah, bon ! L’hôtel de Courtis, connu !

II traversa le pont ; les autres le suivirent.

La voiture s’accota au rebord du trottoir qui longe le quai d’Orléans.

Sans-Malice et Nègriot se rangèrent derrière le fiacre, accroupis auprès des roues.

Mais comme s’ils s’étaient donné le mot, mus par la même pensée, ils sortirent bientôt simultanément de leur cachette et, ramassant quelques pavés, différents débris de brique et de pierre qui gisaient épars de ci de là, ils les amoncelèrent en tas dans le ruisseau qui bordait le trottoir de l’hôtel de Courtis.

— Que faites-vous ? interrogea le cocher que nous avons entendu désigner précédemment sous le nom du Carrossier et de François. Que faites-vous ? répéta-t-il.

— C’est pour que tu ne puisses pas approcher de l’hôtel ! répliqua Sans-Malice.

Et, visiblement enchanté de son idée, il revint s’accroupir derrière les roues du véhicule où Négrlot ne tarda pas à le rejoindre.

Il était temps !

La grande porte massive roula sur ses gonds ; une femme, ayant l’apparence d’une domestique, parut sur le seuil, et, apercevant la voiture, se dirigea vers son automédon.

Celui-ci, pour détourner les soupçons, allumait sa pipe à l’une des lanternes et semblait s'être arrêté là dans ce but.

— Comme ça se trouve ! dit la bonne, joyeuse, en abordant le cocher ; justement je cherchais un fiacre pour M. le marquis d’Evry et Mlle Aimée, sa fille. Une fière aubaine, hein ! et un joli pourboire !

— Un marquis ? fit le cocher ; bigre ! que ça de chic ! Il n’a donc pas de voiture, ce marquis-là ?

— Oh si ! vous pensez ! mais, par une fatalité inexplicable, les chevaux sont malades.

— Tant mieux pour moi ! bonne affaire !... Il faut attendre alors, pas vrai, la petite mère ?

— Oui… donnez-moi le numéro.

— Je n’en ai pas, je suis en maraude, fit le Carrossier en souriant d’un air malin ; mais c’est inutile, allez, je resterai là !

— Vous n’attendrez pas longtemps.

— Peut on vous offrir quelque chose pour la peine, la petite mère ?

La domestique rentra, haussant dédaigneusement les épaules, et quelques minutes après, un vieillard sortit à son tour de l’hôtel, donnant le bras à une jeune fille, gracieusement enveloppée dans les plis d’un burnous de laine blanche.

C’était le marquis d'Évry et sa fille Aimée. Ils venaient de rendre visite à leur tante, la vicomtesse de Courtis, qui n’avait jamais voulu quitter son hôtel de l’île Saint-Louis et qui, ce soir-là, se trouvait souffrante.

Cette indisposition retenait sans doute auprès de la malade tous ses serviteurs, ou bien les visiteurs avaient refusé leurs soins, car aucun d’eux n’accompagna le marquis, et la porte se referma aussitôt qu’il fut sorti.

— Cocher ! avancez jusqu’ici ! cria le vieillard, en restant immobile sur le trottoir opposé à celui près duquel stationnait le fiacre.

— Impossible, mon gentilhomme ! répliqua l’automédon, il y a des tas de pavés dans le ruisseau.

— C’est juste ! cet homme a raison. Allons, mon père, fit la jeune fille en donnant elle-même l’exemple et sautant, légère comme un sylphe, à travers la neige.

Cette manœuvre permit aux deux bandits de rester complètement dissimulés derrière le fiacre.

Le marquis s’approcha donc sans aucune défiance et ouvrit la portière. Il fit passer Aimée, qui monta, puis lui-même se disposa à l’imiter. Il atteignit le marchepied et enjambât péniblement, quand, au même instant, il reçut ou coup de couteau par derrière et voulut crier ; mais la main rugueuse de Négriot lui serrait déjà la gorge.

De son côté, Sans-Malice, après avoir frappé le vieillard, prenait dans sa poche un mouchoir roulé en forme de corde et bondissait dans la voiture.

À cette vue, la jeune fille, éperdue, jeta un cri et ce fut tout. Un bâillon l’empêchait de proférer une parole. Ses mains aussi se trouvèrent liées avec une dextérité sans égale.

Mais le cri d’effroi lancé par Aimée avait été entendu, nous le savons déjà, par le jeune homme du pont Saint-Louis et par Lame-d’Acier.

Son opération terminée, Sans-Malice revint à son compagnon.

Le marquis ne donnait aucun signe de vie ; il s’était débattu un moment, mais, à présent, il ne bougeait plus.

— Il a son compte ! Nettoyé ! murmura Sans-Malice. Allons, à l’eau, le pante !

Les deux associés prirent le corps ensanglanté et inerte, l’un par la tête, l’autre par les pieds, firent quelques pas en trébuchant et, après un court balancement, le jetèrent dans la Seine. Il y eut un bruit sourd, un clapotement d’une seconde, puis plus rien.

Ils montèrent alors en voiture tout tranquillement et Négriot murmura à l’oreille du cocher, avant de s’installer :

— Là-bas ! au Corbeau-Rouge !

Le Carrossier qui avait assisté, impassible, à toute cette scène, mais qui l’avait suivie ce pendant d’un œil attentif, prêt à porter secours, au besoin, à ses camarades, le Carrossier, disons-nous, rassembla les rênes et la voiture partit au grand trot.

Lorsque les gens de l'hôtel Courtis, dont l’attention avait été éveillée par le cri de la jeune fille, sortirent de la maison pour examiner les dehors, ils ne virent rien : la rue était vide et silencieuse.

Le 13e en littérature

La rue du Petit-Banquier

Le colonel Chabert

par
Honoré de Balzac

Le comte Chabert, dont l'adresse se lisait au bas de la première quittance que lui avait remise le notaire, demeurait dans le faubourg Saint-Marceau, rue du Petit-Banquier, chez un vieux maréchal des logis de la garde impériale, devenu nourrisseur, et nommé Vergniaud.

(1832)

Lire


La rue des Vignes Saint-Marcel (Rubens)

Les Misérables

par
Victor Hugo

Ce promeneur, s’il se risquait au delà des quatre murs caducs de ce Marché-aux-Chevaux, s’il consentait même à dépasser la rue du Petit-Banquier, [...], ce promeneur hasardeux atteignait l’angle de la rue des Vignes-Saint-Marcel, latitudes peu connues.

(1862)

Lire


La cité Doré

Coeur d'enfant

par
Charles de Vitis

À la hauteur de la place Pinel et de l’abattoir, entre le boulevard de la Gare et le boulevard de l’Hôpital, s'étend un vaste terrain qui est loué par bail à divers locataires. Le type même de la saleté et de la misère imprévoyante se trouve dans le rassemblement de masures, coupé de ruelles en zigzag et qu’un hasard ironique fait appeler cité Doré. Les cours des miracles devaient être ainsi.

(1899)

Lire


La Butte aux-Cailles

Les Loups de Paris

par
Jules Lermina

Il est sur la rive gauche de la Seine, au-delà de la rue Mouffetard et de la Montagne-Sainte-Geneviève, un lieu étrange, sauvage...

(1877)

Lire


En remontant le boulevard de l'Hôpital

La petite Miette

par
Eugène Bonhoure

Ce jour-là, 3 octobre 1886, le train express de Bordeaux — deuxièmes et troisièmes classes — avait eu plus d'une heure de retard et le service de l'arrivée s'en ressentait...

(1889)

Lire


La rue des Cinq-diamants

La criminelle

par
Jules Lermina

Un plus érudit découvrira l'origine de ce nom singulier, la rue des Cinq-Diamants.
L'étude consciencieuse qui a été faite pour le vieux Paris tentera quelque explorateur des anciennes banlieues annexées : et quel champ plus vaste sera offert à sa curiosité que l'étrange et hideux quartier de la Butte-aux-Cailles ?

(1881)

Lire


La Butte-aux-Cailles

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas...

(1907)

Lire

Un Treizième à découvrir dans...

Saviez-vous que... ?

En 1930, les Primistères parisiens avaient des magasins aux adresses suivantes : Rues, des Cinq-Diamants, 33 et 56 ; du Château-des- Rentiers, 54 et 135 ; Bourgon, 19 ; Nationale, 151 ; du Moulin-des-Prés, 9 ; de Patay, 92 ; Albert, 67 ; Baudricourt, 75 ; avenues : d'Italie, 52, 100, 198 et 180; d'Ivry, 41 ; de Choisy, 39 ; de Tolbiac, 169; boutevard de la Gare, 132 et 171.

*
*     *

La rue Berbier-du-Mets tient son nom de Gédéon Berbier du Mets (1626-1709), qui fut le premier Intendant général du Garde-Meuble de la Couronne, ancêtre du Mobilier national.

*
*     *

En 1911, selon Le Gaulois, on comptait onze ruelles dans Paris dont trois dans le treizième arrondissement : la ruelle des Gobelins, la ruelle des Kroumirs et la ruelle des Reculettes.

*
*     *

La ruelle des Reculettes qui commençait au 32 de la rue de Gentilly et finissait au 45 de la rue Croulebarbe avait, selon la Nomenclature officielle des voies publiques et privées de la ville de Paris publiée en 1881, une longueur de 260 mètres et une largeur de 2 mètres dans sa partie la plus étroite. La ruelle avait le statut de voie privée. L’origine précise du nom de la ruelle est inconnue mais son emploi est attesté dès le XIVe siècle et c’est grâce à une initiative insistante d’Émile Deslandres que le nom de Reculettes fut préservé lorsqu’il s’est agi de transformer la ruelle en rue en 1910.

L'image du jour

L'avenue des Gobelins vue vers la rue Philippe de Champagne

L'ilot formé par l'avenue des Gobelins, la rue Coypel, la rue Primatice et la rue Philippe de Champagne occupe le site du marché couvert des Gobelins ouvert à la fin des années 1860 et fermé à l'orée du 20e siècle au profit du marché de plein-air du boulevard Blanqui.