Le feu chez le chiffonnier (*)
Le Petit Journal — 7 août 1869
Cette nuit, à minuit et quart, le sieur Gouges (Jean), chiffonnier, rentrait à son domicile situé n° 15, rue Harvey (13e arrondissement), sans remarquer rien d'insolite dans l'habitation. Un quart d'heure ne s'était pas écoulé que la fumée et certain pétillement le réveillèrent.
Sauter en bas de son lit, se jeter par la fenêtre de son premier étage, réveiller son propriétaire, le sieur Lacroix, marchand de vin, situé dans la même maison, ne fut l'affaire que d'un instant. Mais réveiller et sauver les autres locataires était plus difficile.
Gouges, au moyen d'une échelle, parvint néanmoins à lui seul de mettre tout le monde hors de danger.
Le feu s'était déclaré dans un magasin de chiffons appartenant à Lacroix ; cet amas de détritus échaudés par un commencement de fermentation, le couvait peut-être depuis longtemps.
Les pompiers de la rue du Château-des-Rentiers, suivis par ceux des postes environnants et commandés par un lieutenant, attaquèrent l'incendie, leurs trois pompes, mises en jeu, inondèrent en quelques instants le terrain, les habitants y prêtèrent un large concours. M. le commissaire de police André, organisait le service d'ordre.
On ne put que préserver les maisons avoisinantes qui se trouvaient elles-mêmes fortement en danger, vu le peu de largeur de la rue en cet endroit.
Les pompiers n'ont été maîtres du feu que ce matin à neuf heures.
Les magasins servant d'entrepôt aux chiffons ont été entièrement consumés.
Aucun accident grave n'est à déplorer. Tout était assuré.
(*) Le titre a été ajouté (NdE)
Rue Harvey
Le 21 juin 1889, le journal l'Égalité écrivait :
" C’est dans le treizième arrondissement, quartier de la Salpêtrière, que se trouve la rue Harvey,
autrefois rue de l’Hôpital.
C’est assurément une des plus curieuses et des plus pittoresques voies du Paris pauvre
et misérable."
Pour Maxime du Camp, elle était "l'horrible rue Harvey, qui est un cloaque bordé par des antres sans nom." (Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde motié du XIXe siècle)
Un peu d'histoire
La rue Harvey (165 mètres, entre la rue Nationale, 163, et la rue du Château-des-Rentiers, 206) fut ouverte en 1847 sous le nom de ruelle Saint-Honoré ; plus tard elle devint la rue de l'Hôpital. Par décret du 24 août 1864, elle devint la rue Harvey, en souvenir de William Harvey (1578-1657), médecin de Charles 1er, qui découvrit les lois de la circulation du sang (1576-1657). — Petite histoire des rues de Paris (1913)
La rue de l'Hôpital avait pour caractéristique, eu égard à sa situation hors de Paris avant 1860, au delà de la Barrière des Deux-Moulins de concentrer en son sein des marchands de vin et un dizaine de maisons publiques c'est-à-dire de maisons de prostitution comme le soulignaient Philippe Doré dans sa "Notice administrative, historique et municipale sur le XIIIe Arrondissement" ou les journaux quand il s'agissait d'évoquer cette rue qui, au fil des nouvelles, apparaissait dangereuse.
Plus tard, après l'annexion, la rue Harvey fut aussi le siège des activités de dizaines de chiffonniers et de petites industries. La mauvaise réputation de la rue persista voire même, s'amplifia dans les premières décennies du XXe siècle.
Après la première guerre mondiale, le peuplement de la rue Harvey changea, les chiffonniers qui l'occupèrent un temps presque exclusivement, se trouvèrent remplacés par la main d'œuvre immigrée de la raffinerie Say voisine ou de l'usine Panhard plus lointaine.
La rue Harvey disparut complètement en 1960 avec la destruction de l'ilôt 4. Apparemment, rien ne perpétue son souvenir à son emplacement.
Sur la rue Harvey
Faits-divers d'avant l'annexion
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1850
- Un assassinat aux Deux-Moulins - 1851
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1852
- La fabrique d’allumettes prend feu - 1853
- La fabrique d’allumettes prend feu (bis) - 1854