La marchande de vin s’enfonce (*)
Le XIXe siècle — 14 janvier 1882
Mme Trocellier, marchande de vins, 3, rue Harvey, dans le treizième arrondissement, venait de fermer sa boutique, avant-hier à minuit, et se disposait à se coucher, lorsqu'elle remarqua que son lit était légèrement incliné. Elle prit sa chandelle et examina le sol : le bitume se boursouflait d'une façon inquiétante.
Mme Trocellier enleva les croûtes du bitume et, plongeant sa main dans la crevasse, elle mit à découvert des traverses entièrement vermoulues ; sous les traverses se trouvait une excavation dont aucun des objets qu'elle avait sous la main ne pouvait atteindre le fond. Elle attacha un tesson de bouteille à une ficelle et le plongea dans le trou. Lorsqu'elle atteignit le fond, il y avait vingt-quatre mètres de ficelle dévidés.
On comprend sans peine l'inquiétude de la marchande de vin qui voyait déjà son établissement englouti dans le gouffre. Elle courut prévenir les gardiens de la paix qui constatèrent l'existence sur ce point d'un puits qu'un propriétaire économe avait négligé de combler en faisant construire la maison sur l'emplacement de quelque jardin.
(*) Le titre a été ajouté (NdE)
Rue Harvey
Le 21 juin 1889, le journal l'Égalité écrivait :
" C’est dans le treizième arrondissement, quartier de la Salpêtrière, que se trouve la rue Harvey,
autrefois rue de l’Hôpital.
C’est assurément une des plus curieuses et des plus pittoresques voies du Paris pauvre
et misérable."
Pour Maxime du Camp, elle était "l'horrible rue Harvey, qui est un cloaque bordé par des antres sans nom." (Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie dans la seconde motié du XIXe siècle)
Un peu d'histoire
La rue Harvey (165 mètres, entre la rue Nationale, 163, et la rue du Château-des-Rentiers, 206) fut ouverte en 1847 sous le nom de ruelle Saint-Honoré ; plus tard elle devint la rue de l'Hôpital. Par décret du 24 août 1864, elle devint la rue Harvey, en souvenir de William Harvey (1578-1657), médecin de Charles 1er, qui découvrit les lois de la circulation du sang (1576-1657). — Petite histoire des rues de Paris (1913)
La rue de l'Hôpital avait pour caractéristique, eu égard à sa situation hors de Paris avant 1860, au delà de la Barrière des Deux-Moulins de concentrer en son sein des marchands de vin et un dizaine de maisons publiques c'est-à-dire de maisons de prostitution comme le soulignaient Philippe Doré dans sa "Notice administrative, historique et municipale sur le XIIIe Arrondissement" ou les journaux quand il s'agissait d'évoquer cette rue qui, au fil des nouvelles, apparaissait dangereuse.
Plus tard, après l'annexion, la rue Harvey fut aussi le siège des activités de dizaines de chiffonniers et de petites industries. La mauvaise réputation de la rue persista voire même, s'amplifia dans les premières décennies du XXe siècle.
Après la première guerre mondiale, le peuplement de la rue Harvey changea, les chiffonniers qui l'occupèrent un temps presque exclusivement, se trouvèrent remplacés par la main d'œuvre immigrée de la raffinerie Say voisine ou de l'usine Panhard plus lointaine.
La rue Harvey disparut complètement en 1960 avec la destruction de l'ilôt 4. Apparemment, rien ne perpétue son souvenir à son emplacement.
Sur la rue Harvey
Faits-divers d'avant l'annexion
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1850
- Un assassinat aux Deux-Moulins - 1851
- Le meurtre de la rue de l'Hôpital - 1852
- La fabrique d’allumettes prend feu - 1853
- La fabrique d’allumettes prend feu (bis) - 1854