Les drames de Paris
La Folie de la Vitesse
L'accident du boulevard Kellermann
Une voiture à bras
emballée —Deux blessés
La Presse — 21 décembre 1906
Un dramatique accident s’est produit, hier, vers deux heures de l’après-midi, boulevard Kellermann, sous les yeux de nombreux témoins qui ont été profondément impressionnés.
Deux jeunes gens, Martial Jolly, âgé de vingt-huit ans, et René Louis, âge de dix-neuf ans, ouvriers mécaniciens, avaient fait dans la matinée différentes livraisons pour leur patron.
Vers midi, leur voiture à bras allégée des commandes qu'ils avaient à livrer, les deux ouvriers sautèrent dans un bar ou ils se reposèrent quelques instants, tout en dégustant un apéritif.
Comme ils étaient en avance, ne devant rentrer chez leur patron qu'à deux, heures, Martial Jolly et Louis René décidèrent de déjeuner dans le débit où ils s'étaient arrêtés.
Leur repas fut copieux et arrosé sans doute de plus de vin qu'ils n'en pouvaient .supporter car, au moment de partir, les deux jeunes gens se trouvaient, légèrement ivres.
L'idée leur vint alors de se traîner à tour de rôle dans la voiture. Martial Jolly se plaça dans les brancards et son compagnon se tint debout dans la voiture.
Tout marcha bien d'abord, mais, arrivés à une partie du boulevard dont la pente est très accentuée, nos deux imprudents ouvriers eurent la fâcheuse idée de vouloir la parcourir à toute vitesse.
Martial Jolly se mit à courir mais, bien tôt entraîné par le poids de la voiture, il ne put plus s'en rendre maitre. La vitesse du léger véhicule était telle que Jolly culbuta et tomba si malheureusement que l’une des roues lui passa sur la tête. La voiture, poursuivant sa course vertigineuse, continua à rouler pendant une cinquantaine de mètres encore et vint se briser contre un arbre.
Louis René projeté sur le sol par la violence du choc, se brisa dans sa chute une jambe et un bras.
Ce dramatique accident auquel avaient assisté les nombreux passants qui se trouvaient à ce moment sur le boulevard Kellermann, avait produit naturellement une émotion considérable.
On accourut au secours des victimes qui se trouvaient dans un état lamentable.
M. Martial Jolly avait une oreille arrachée, une partie du cuir chevelu enlevée et l’arcade sourcilière droite brisée. On le transporta dans une pharmacie voisine où les premiers soins lui furent prodigués puis il fut conduit à l’hôpital Cochin où on l’admit d’urgence.
Son état est très grave, et, comme le malheureux se plaint de douleurs internes, on ne sait pas encore si on pourra le sauver.
Son camarade René-Louis, dont l’état est moins grave, a été transporté au même hôpital, mais on ne croit pas qu'il puisse être guéri avant une quinzaine de jours.
La famille des deux imprudents ouvriers a été prévenue par le commissaire de police du quartier, qui était venu procéder aux constatations, ainsi que le patron de ces derniers, qui attendait avec impatience le retour de ses deux employés.
Jacques Delarue
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