Littérature



DEUXIÈME PARTIE

Sur la piste

XIX
Dans la gueule du loup

Le son aigre et fêlé de la sonnette vint jeter une note discordant dans le calme du petit jardin, tout ensoleillé du boulevard Saint-Jacques, où les senteurs grisantes des lilas, des héliotropes et des verveines montaient comme un encens, à travers les feuilles en, éventail, des marronniers, vers un ciel d'un bleu lavé par la pluie de la veille et savonné de nuages blancs.

À ce tintement cassé, qui évoquait assez bien l'idée d'une vieille femme à la voix chevrotante, la tête placide de M. Golbert vint s'encadrer dans la fenêtre de sa chambre à coucher, au premier étage.

Le brave homme jeta un regard curieux dans le jardin pour reconnaître le visiteur qui lui arrivait de si bon matin, et il vit avec étonnement que c'était le facteur.

Nous disons avec étonnement, car depuis qu'il habitait là, Sébastien n'avait pas encore eu l'occasion d'entrer en relations avec ce fonctionnaire de la poste, et pour cause il ne recevait jamais de lettres et il n'en attendait de personne.

Oui pouvait bien lui écrire ?

Lui écrire ici ?

Dans sa hâte de le savoir, il descendit quatre à quatre et reçut des mains du messager postal une missive, de format long qu’une fois seul il tourna et retourna entre ses doigts comme pour chercher à en deviner le contenu. Mais comme l'enveloppe ne lui fournissait aucune indication, attendu que la suscription était écrite à la machine, il se décida enfin l'ouvrir.

Dès les premières lignes, sans avoir besoin de courir à la signature, il était fixé. C'était une lettre de M. Ducroc, signée par prudence « Thouvenet ». Il n'y avait pas à s'y tromper. Sébastien aurait reconnu l'écriture du chef de la Sûreté entre mille.

Voici ce que disait cette lettre :

« Mon cher ami,

« Pour une fois excusez-moi de manquer peut-être à mes habitudes de prudence en vous écrivant chez vous.

Mais je dois porter à votre connaissance une déclaration, qui demande à être immédiatement contrôlée. Un de mes inspecteurs, Bardet, que vous connaissez bien, a eu, hier, une conversation avec un facteur employé au service des arrivages du P.-L.-M. petite vitesse ; ce dernier lui aurait affirmé avoir vu l'homme rouge qui a livré la barrique de chambertin au Cercle cosmopolite. Cet homme fréquenterait tous les soirs un bouge bien connu, situé dans un infect passage qui relie la ruelle des Gobelins à la rue des Cordelières et qui porte cette enseigne « Au rendez-vous des aminches ! » C'est au 19 de la ruelle des Gobelins.

» Je n'ai pas besoin de vous en dire si long, vous le connaissez bien, c'est là que Frisquet a dépisté Harschfeld quand il est venu y laisser sa défroque de garçon de café, ce qui, entre parenthèses, me donne beaucoup à réfléchir.

» Tâchez de pénétrer là-dedans sans attirer l'attention, comme vous savez si bien le faire, et de filer l'individu du plus près. Il faut savoir exactement à quoi s'en tenir sur son identité.

» Vous seul pouvez faire cela avec succès. Pour un autre, la mission serait trop difficile, périlleuse même ; pour vous ce sera un jeu d'enfant

» Enfin, je vous prie instamment de ne pas laisser traîner cette affaire. Agissez au plus vite ; dès ce soir si vous pouvez. Le plus tôt sera le mieux et rendez-moi compte immédiatement de voire enquête. J'ai toutes raisons de croire qu'elle vous conduira droit au personnage que vous savez. »

 

— Et patati et patata ! Toujours le même, ce cher M. Ducroc, s'écria Sébastien en haussant les épaules. Halluciné par les comparses !... Et quand nous aurons mis la main sur son fameux homme rouge, à quoi cela nous, mènera-t-il ? D'autant plus que pour moi cela ne fait pas de doute celui qui a livré la barrique de chambertin est mort : c'était Harschfeld… Mais alors ?

Sébastien s'arrêta. Il venait d'être frappé par une idée subite.

— Oh ! mais, est-ce que pour une fois M. Ducroc aurait fait une trouvaille de génie ? Harschfeld est mort, c'est vrai mais il y a un autre homme rouge qui lui ressemble comme un frère, à ce que disait cette bonne Mme Corbin, un autre homme rouge que je connais, que j'ai vu et qui m'a joué un assez vilain tour, entre parenthèses là-bas, à Passy… Le facteur du P.L.M. a pu s'y tromper ; je m'y serais bien trompé moi-même, tant la ressemblance était parfaite… Est-ce que par hasard cet homme serait...

Sébastien se leva brusquement et se mit à marcher à grands pas agités dans la salle à manger, en monologuait tout haut :

— Oui, oui, ce doit être cela. M. Ducroc a raison… Il ne faut pas perdre une minute, j’irai ce soir, je veux en avoir le cœur net. L’affaire en vaut la peine. Et quant à risquer ma peau, ajouta-t-il avec un geste d'insouciance, je ne la risquerai guère plus qu'ici. N'est-ce pas, Frisquet ?

La bonne bête leva vers son maître ses yeux intelligents qu'on voyait briller à travers l'épaisseur des poils en broussaille et comme si elle avait compris, approuva par deux ou trois jappements joyeux.

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*     *

Suite



Le 13e en littérature

De la ruelle des Reculettes au passage Moret via la ruelle des Gobelins

Le faiseur de momies

par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay

Il était arrivé à l'angle pointu formé par la manufacture des Gobelins où la voie bifurquait ; à droite la rue Croulebarbe continuait, à gauche c'était la ruelle des Gobelins.

(1912)

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La Butte-aux-Cailles

Coeur d'enfant

par
Charles de Vitis

— Voyons d’abord du côté de la Butte-aux-Cailles, pour tâcher de trouver un logement.
Jacques connaissait l’endroit pour y être venu avec Fifine, une fois ou deux, du temps qu’il vivait chez ses parents.
C’était un quartier misérable situé à proximité de la place et du boulevard d’Italie ; on y arrivait par la rue du Moulin-des-Prés.

(1899)

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La cité Doré

Coeur d'enfant

par
Charles de Vitis

À la hauteur de la place Pinel et de l’abattoir, entre le boulevard de la Gare et le boulevard de l’Hôpital, s'étend un vaste terrain qui est loué par bail à divers locataires. Le type même de la saleté et de la misère imprévoyante se trouve dans le rassemblement de masures, coupé de ruelles en zigzag et qu’un hasard ironique fait appeler cité Doré. Les cours des miracles devaient être ainsi.

(1899)

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Rue du Banquier

Madame Gil-Blas

par
Paul Féval

Le fiacre tournait court l'angle de la rue du Banquier.
Cela s'appelle une rue, mais c'est en réalité une manière de chemin pratiqué entre des murs de jardins. Il n'y a pas une âme en plein jour.

(1856)

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Barrière des Deux-Moulins

Les Chifffonniers de Paris

par
Turpin de Sansay

En suivant les rues Saint-Victor, du Marché-aux-Chevaux et de Campo-Formio, on arrivait à la barrière des Deux-Moulins, située de l'autre côté du boulevard extérieur.

(1861)

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Barrière des Deux-Moulins

Causerie d'un camarade

par
Jean Loyseau

Allez un dimanche, ou , même , un lundi soir , du côté de l'ancienne barrière des Deux-Moulins : regardez, respirez et écoutez, si vous en êtes capables , tout ce qui frappe à la porte de vos cinq sens : votre odorat percevra je ne sais quelle odeur nauséabonde et méphitique, dans laquelle se mêlent indistinctement la fumée de tabac ; les exhalaisons du cabaret, qui forment , à elles seules, tout un arsenal d'infection...

(1862)

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La Butte aux-Cailles

Les Loups de Paris

par
Jules Lermina

Il est sur la rive gauche de la Seine, au-delà de la rue Mouffetard et de la Montagne-Sainte-Geneviève, un lieu étrange, sauvage...

(1877)

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Saviez-vous que... ?

La rue du Tibre, dans le quartier Maison-Blanche, a été ouverte sur l'emplacement d'une voirie d'équarrissage, elle a porté le nom de rue de la Fosse-aux-Chevaux, puis du Tibre, à cause de la Bièvre autour de laquelle ont été groupés des noms de fleuves.

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Le 13 juillet 1880 furent organisées des retraites au flambeau dans les principaux quartiers du 13ème arrondissement et le 14, eût lieu à 2 heures, une grande cavalcadre au profit des écoles. Des fêtes forraines se tenaient sur les places et avenue de l'arrondissement et des concerts furent donnés par les sociétés instrumentales et chorales.

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La rue Buot située à la Butte-aux- Cailles a une longueur de 125 mètres pour 10 mètres de largeur. Elle porte le nom du propriétaire de terrains voisins.

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Dans l’après-midi du 5 octobre 1883, des agents arrêtaient un individu qui s’apprêtait à prendre un bain dans le bassin de la place d’Italie.
Cet homme prétendait être un diplomate en mission spéciale : « Je suis envoyé par M. Carnot, a-t-il dit, près de l’amiral Avelane, afin de le prémunir contre les dangers qui le menacent et moi aussi. » En même temps, il montrait ses lettres de créances, consistant en un billet de sortie de l’hôpital Sainte-Anne.
Il est vraisemblable qu’il y soit retourné aussitôt.

L'image du jour

Place Pinel