Inondation à la poterne des Peupliers
Le Matin — 9 septembre 1905
Six heures et demie du matin. Le gardien de la paix Louis Roupillon, du treizième arrondissement, vient de prendre son service à la poterne des Peupliers, tout là-bas, là-bas, derrière la Butte-aux-Cailles, sous le boulevard Kellermann. L'air est frais, mais les premiers rayons du soleil réchauffent quelque peu le gardien Roupillon. Et celui-ci ne se sent pas trop malheureux de se trouver à pareille heure en cet endroit solitaire, rendez-vous habituel des pires escarpes du quartier.

Quelques ouvriers venant d'Arcueil passent se rendant à leur travail. Les gabelous font leur ménage, nettoyant, époussetant l'intérieur de la petite maisonnette en bois qui leur sert de bureau. Un grand calme règne, à peine troublé, de temps à autre, par le sifflet des locomotives des trains de Ceinture. La journée s'annonce belle, ce que Louis Roupillon ne peut s'empêcher de constater. Il dit à ses amis les « gabelous » :
— Encore une belle journée qui se prépare !
À peine a-t-il fermé la bouche, qu'un fracas épouvantable se fait entendre, la chaussée de la rue des Peupliers se soulève, éclate et donne passage à une formidable trombe d'eau qui s'élève à plus de trente mètres de hauteur.
En quelques secondes, le gardien de la paix a de l'eau jusqu'au cou, cependant que les « gabelous » et les rares passants s'enfuient toutes jambes devant l'inondation. Mais, retrouvant son sang-froid, Louis Roupillon parvient, après de nombreuses difficultés, à sortir du lac d'eau et de limon dans lequel il faillit se noyer.
C'est la rupture de la conduite d'un mètre soixante-quinze de diamètre reliant les réservoirs de Villejuif ceux de Montsouris qui causa cette petite catastrophe. Il n'a pas fallu moins de cinq heures de travail pour réparer les premiers dégâts.
Quant à la masse énorme de boue et de sable déposée par l'eau, on ne pourra l'enlever qu'aujourd'hui seulement.
Les grandes eaux du boulevard Kellermann
Les premières conduites maitresses de distribution d'eau dans Paris furent posées boulevard
Kellermann à partir de 1882. Jusqu'à la construction du tramway T3 qui impliquait d'écarter tout risque à leur égard,
ces conduites firent régulièrement parler d'elles dans la presse. Les accidents furent innombrables. Le premier accident
d'importance repéré eut lieu le 12 octobre 1886 à proximité de la rue du Moulin-de-la-Pointe. Il fut suivi d'un
autre fin mai de l'année suivante à la porte de Gentilly.
Des exemples significatifs de ces accidents sont réunis
ici.
1901
1903
1905
1911
- Rue des Peupliers, une trombe d'eau dévaste tout sur son passage (Le Journal, 8 avril 1911)
- Une conduite d’eau a éclaté boulevard Kellermann causant une véritable inondation (Le Petit-Journal, 5 mai 1911)
1912
- Les fortifications s'effondrent sur plus de cent mètres (Le Journal, 28 janvier 1912)
- Une inondation boulevard Kellermann (Le Figaro, 28 janvier 1912)
- Un éboulement aux fortifications ( Le Petit-Parisien,28 janvier 1912)
- L'Accident de la Poterne des Peupliers a fait 300,000 francs de dégâts (Le Journal, 29 janvier 1912)
1925
- Une conduite d'eau crève boulevard Kellermann (Excelsior, 10 janvier 1925)
- Les petits malheurs du boulevard Kellermann (L’Intransigeant, 12 janvier 1925)