Les égouts et la Bièvre
Le Siècle — 14 janvier 1867
Les travaux d'égout ont reçu en 1866 et reçoivent encore cette année une très-vive impulsion. Le collecteur des coteaux (ainsi appelé parce qu'il reçoit les eaux des hauteurs du nord et de l'est) a été poussé jusqu'à sa limite supérieure, c'est-à dire à l'avenue du Bel-Air (12° arrondissement). Les eaux de Saint-Mandé et de Charonne, qui naguère encore submergeaient la vallée de Fécamp, laquelle traverse Bercy, vont aujourd'hui directement à Asnières par ce collecteur.

Grâce à l'ouverture de la rue Monge, celui des quais de la rive gauche a pu être prolongé jusqu'à la Bièvre, dont il recevra prochainement les eaux pour les conduire au-dessous du pont de l'Alma, en aval de la prise d'eau des machines de Chaillot, en attendant l'établissement du syphon qui les fera passer sous la Seine, et du nouveau grand collecteur déjà entrepris sur la rive droite, pour les dériver vers Asnières. Les bains, les lavoirs et autres établissements installés sur la Seine seront donc, sous peu de temps, délivrés des eaux infectes.
Non-seulement toutes les voies nouvelles ont été pourvues de galeries d'égout, mais encore il en a été construit sous toutes les chaussées des anciens quartiers qui ont dû être relevées à bout, c'est ainsi que la grande rue du Faubourg-Saint-Denis, celle du Faubourg Saint-Antoine, la rue des Tournelles, la rue du Petit-Carreau, etc., etc. ; ont vu établir sous leurs chaussées les galeries pour l'éviction des eaux. Dans la rue du Petit-Carreau, l'égout passant en quelques endroits à cinq mètres au-dessous du pavé, a été construit en partie au moyen de puits de forage, ainsi qu'on fait encore en ce moment sous l'avenue de Wagram, pour l'établissement du collecteur destiné à conduire vers Asnières les eaux ménagères de la rive gauche.
Les eaux de la Bièvre, dont ce collecteur doit expurger Paris, sont depuis longtemps un embarras qu'on a plusieurs fois tenté de supprimer. Pour y arriver, il a été construit sous le chemin de halage de la rive gauche, entre le pont de la Tournelle et celui du Carrousel, une sorte d'égout collecteur qui devait être prolongé en aval jusqu'au-dessous du Gros-Caillou, et en amont jusqu'à l'embouchure de la Bièvre ; mais le radier de la portion exécutée n'étant pas assez élevé au-dessus de l'étiage de la Seine, les eaux qu'il contient sont refoulées par le fleuve à l'époque des grandes crues. Cette galerie n'atteint donc pas le but qu'on se proposait, et l'on n'a pas jugé à propos de la continuer.
La Bièvre, malgré les services qu'elle rend à certaines industries, est une sorte d'égout coulant à ciel ouvert ; pendant longtemps son trajet à travers la capitale s'effectua dans son lit naturel ; mais en 1825 on entreprit de substituer à ce fossé fangeux un canal en maçonnerie ; les travaux en furent commencés en 1828, suspendus de 1830 à 35, et complètement achevés en 1844. Aujourd'hui donc, le lit de cette petite rivière a une largeur régulière de 3 mètres en amont de la rigole des Gobelins et de 4 mètres en aval ; sa profondeur varie de 1 m. 65 à 1 m. 90 ; sur chaque rive est réservée une berge de 4 mètres, libre de toute construction.
Ce cours d'eau entre à Paris par deux ouvertures ménagées dans les fortifications, à l'est de la poterne des peupliers (treizième arrondissement). Ses deux bras, dont l'un est intitulé Bièvre morte, contournent le pied de la butte aux Cailles, à travers les prés de la Glacière. Passant ensuite sous les anciens boulevards extérieurs, ils traversent parallèlement les rues du Champ-de-l‘Alouette et Saint-Hippolyte ; l'un de ces bras coupe en outre la rue Pascal, la rue Cochin et une seconde fois la rue Pascal. Leur réunion s'opère avant la traversée de la rue Mouffetard. À partir de ce point, la Bièvre coule parallèlement aux rues Censier et Buffon, passe sous la rue du Pont-aux-Biches, de la Halle-aux-Cuirs, Geoffroy-Saint-Hilaire et sous le boulevard de l'Hôpital.