Un jour dans le 13e

 Une catastrophe rue de Tolbiac

Une catastrophe rue de Tolbiac

Elle fait quarante morts et autant de blessés

Le Journal ― 21 octobre 1915

Dans un vaste terrain de la rue de Tolbiac, qui s'étend entre les rues Damesme et du Moulin-des-Prés, voisin de l'impasse du Moulinet, on avait aménagé une fabrique de produits chimiques, ce qui, dans ce quartier populeux, n'avait pas été sans causer quelques craintes.

Au milieu d'une cour qui sépare deux longues bâtisses de bois, un camion était hier en chargement ; plusieurs hommes s'y employaient. Soudain, l'une des caisses échappa, croit-on, des mains des travailleurs et tomba sur le sol. Une épouvantable explosion se produisit ; un gouffre se creusa à l'endroit où était le camion ; puis tout aussitôt une seconde déflagration, plus violente encore ravagea, secoua le quartier; un souffle gigantesque passa, bouleversant tout dans un rayon de 500 mètres, brisant les vitres, disloquant les portes, effondrant les murailles, projetant les meubles, lézardant les façades.

Il était 2h.15 après-midi lorsque le désastre se produisit, et ce quartier si paisible fut instantanément transformé en un lieu d'épouvante, d'agonie et de mort.

Des maisons ébranlées fuyaient les mères, emportant des bébés, poussant devant elles des enfants hurlant d'effroi. Beaucoup étaient blessés, mais n'en prenaient pas souci ; tous ne pensaient qu'à fuir.

Dans la rue, les gens assez rapidement reprirent leur sang-froid et eurent alors d'affreuses visions. L'explosion avait projeté, de-ci de-là, des membres humains. Un soldat avait été renversé par la projection d'un objet rond. Il se releva, l'objet collé sur sa poitrine roula sur le pavé, c'était une tête, déchiquetée en partie, calcinée, une tête de femme, car à la nuque adhéraient encore quelques longues boucles blondes.

Les pompiers, les agents accoururent de tous côtés et le sauvetage s'organisa. Dans la rue d'abord, puis dans les décombres, on releva et l'on déterra aussi des corps mutilés, carbonisés, des membres broyés, des débris plus petits, roussis, sanguinolents, qui n avaient plus de forme. Quelques-unes des victimes blessées — elles étaient dans les ateliers — avaient, dès le début, été dégagées et transportées à l'hôpital Cochin. Les cadavres, eux, furent déposés non loin de là, rue Martin-Bernard, dans une salle de cinéma.

M. Poincaré qui, accompagné de M. Malvy, était venu rue de Tolbiac, assista à la plus grande partie du sauvetage.

A huit heures, trente-cinq cercueils avaient été, apportés à la Morgue; seize renfermaient des cadavres de femmes, neuf des hommes, et les dix autres des pauvres corps incomplets, méconnaissables.

A l'hôpital Cochin, on avait, recueilli quarante-deux blessés. A 8 heures, quatre de ceux-ci avaient déjà succombé.

Outre ces victimes, l'explosion a fait encore un certain nombre de blessés parmi les locataires des maisons voisines du lieu de la catastrophe, mais il s'agit de blessures légères.

Quant aux dégâts, ils sont énormes. Tous les immeubles proches des rues de Tolbiac, Damesme, du Moulin-des-Prés, du passage du Moulinet, ont beaucoup souffert. Quelques-uns menacent ruine, et les locataires n'ont pu y rentrer.

A noter qu'il y a trois mois un accident s'était produit au même endroit ; il y avait fait six victimes.

La catastrophe de la rue de Tolbiac - 20 octobre 1915


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L'accident du 23 juillet 1915

Saviez-vous que... ?

Ernest Rousselle (1836-1896) -C'est lui ! - et son fils Henri (1866-1925) étaient négociants en vins.

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Le dernier étang du quartier de la Glacière fut comblé en août 1881 et sur son emplacement, on construisit une gare de marchandises connue des habitants sous le nom de gare de Rungis mais dont le nom officiel était « gare de la Glacière-Gentilly ».

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Avant de recevoir le nom de Paul Verlaine en 1905, la place Paul Verlaine était tout simplement appelée place du puits artésien.

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En 1846, fut formé le projet de créer un cimetière à la pointe d’Ivry destiné à recueillir les corps des personnes décédées dans les hôpitaux et hospices. Ces terrains d’environ 9 hectares de la commune d’Ivry furent retenus en raison de leur proximité avec la Salpêtrière. Le projet n’eût pas de suite. Vingt ans auparavant, il avait déjà été question de créer un cimetière dit « cimetière du sud-est » en limite de Paris sur les terres qui constituaient le secteur des Deux-Moulins.

L'image du jour

La rue Coypel vue du boulevard de l'Hôpital

On remarquera sur la gauche de la rue, la moitié restante du marché couvert des Gobelins qui sert désormais d'entrepôt et de garage. Il demeurera en place jusqu'à la fin des années 1960 pour laisser la place l'hôtel de police du 13e qui remplaça tous les commissariats de quartier qui furent fermés.