Promenades

 La Butte-aux-Cailles prend le frais - 1926

En villégiature à Paris

La Butte-aux-Cailles prend le frais

L'odeur des foins coupés

Le Siècle — 8 septembre 1926

La Butte-aux-Cailles garde son identité alors que tout change autour d'elle et même en elle. Cette colline à moulins à vent, où campa Henri IV et où l’on tira le canon contre les Alliés, elle est à peu près oubliée. Cependant elle forme dans le XIIIe arrondissement un îlot gai, un dur noyau au cœur d'un Paris relativement jeune et friable mi- banlieue, mi-ville.

Les ruelles de la Butte-aux-Cailles ! Elles sont étroites, et ce n’est pas une originalité, mais qu’elles sont fantaisistes ! Les maisons basses ont d’étroits jardins munis de tonnelles et de treilles ; devant les portes, quelques arbres. Le soir, des papillons de gaz ont beau agiter inlassablement leurs ailes, il n’en tombe qu’une pénombre qui s’amasse aux creux, aux baies, aux recoins.

Ces chemins, muletiers transformés en rues couvrent les pentes qui menaient aux berges de la rivière de Bièvre disparue ou au plateau de la place d’Italie.

Les beaux soirs, une population familière s’ébat dans ces venelles cahotantes, dans les rues neuves — qui n'ont pas plus d'un siècle:— baptisées des plus jolis noms de Paris : rue des Cinq-Diamants, rue du Moulin-des-Prés, rue de la Butte-aux-Cailles, naturellement, rue de l'Espérance...

Les gens de ce quartier, qui ne sont pas tous fortunés, qu'espèrent-ils ?

Les voici, assis-sur leur porte, buvant à petits coups le soir de septembre avec des figures balzaciennes, périmées et vivantes. C'est Paris 1830, chassé du centre, qui achève de mourir. — Et qui revit...

Je voudrais que vous alliez place Paul-Verlaine connaître la nouvelle génération. Les bancs sont chargés de belles filles et de garçons hardis. Ils vivent leur honnête petit roman avec des rires qui illuminent la nuit. Une élégance et une grâce vraies les vêtent. Ils savent danser les nouveaux pas, dans des arrière-boutiques, au son d'un phonographe dont le gigantesque pavillon éclate en soleil, sous un éclairage économe.

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Sur les onze heures, la vie de la Butte-aux-Cailles se résorbe. Les rues s'allongent sans bruit sur leur lit de pavés luisants. Une fenêtre jette encore une fusée de cris ; un haut-parleur nasille amoureusement.

Deux soldats mulâtres cherchent leur route vers Lourcine. Un homme silencieux rase les murs. Son regard est plus agaçant qu'un browning tendu. Des Sidis, des Italiens glapissent en buvant leur dernier verre d'aujourd'hui dans la dernière boutique.

Si entraîné sur la pente de la rue de l'Espérance, attiré par la poésie de ces mots rue du Moulin-des-Prés, on pousse au delà, un goût d'aventure vous point.

Maintenant, les maisons s'écartent. Dans l'air obscur, les constellations de l'été s'inscrivent. Parfois une usine illuminée coupe en deux les ténèbres, à la façon d'une herse de théâtre.

Personne ! Sommes-nous à Paris ? Des chiens aboient derrière les portes. La double haie des réverbères silencieux vous accompagne. Une rumeur, au loin ; l'appel d'un train et, soudain, une odeur vous saisit, connue mais étrange ici : les foins, l'herbe piétinée, la terre des soirs de moisson ou de vendange.

Un pré, vous dis-je ! L'herbe y est très haute. Des sentiers poudreux sinuent dans l'ombre. Une étoile grosse comme le poing se balance au-dessus de tout.

Il faut un moment pour entendre parler cette nature perdue parmi la ville de pierre et de fer. Des chuchotis sortent des buissons. Sur les pentes herbues, des ombres s'animent. Un souffle hérisse doucement la chair.

C'est d'une nuit comme celle-ci que Napoléon parlait.

Élie Richard.

A lire également

Une version nouvelle de ce texte est parue en 1930 dans le cadre de "La Tournée" :



La Tournée d'Élie Richard

Chapitre introductif :

Autour de la Butte-aux-Cailles :

Le Faubourg Souffrant :

Bicêtre

La Goulue



Les promenades

Les chiffonniers de la Butte-aux-Cailles

L'événement (1875)

Le boulevard Saint-Marcel et le marché aux chevaux

Paris pittoresque (1883)

La Bièvre et la Butte-aux-Cailles

Le XIXe Siècle (1887)

La Maison-Blanche

La Cocarde (1894)

La Butte-aux-Cailles

Le Courrier de Paris (1902)

De la Salpêtrière à la Maison-Blanche

La France (1908)

Les promenades
de Georges Cain


Rue de Tolbiac, un an après l'explosion

L'Heure (1916)

Les jardins des Gobelins
et l’hôtel de Scipion Sardini

Une promenade au départ de la ruelle des Gobelins

La Revue hebdomadaire (1921)

Le roman de la Bièvre
par Élie Richard

1922

Les quartiers
qui changent de visage

Une promenade à l’ancienne Butte-aux-Cailles

L'Intransigeant (1923)

Paysages parisiens
par L. Paillard

Sur la Butte-aux-Cailles

Le Petit-Journal (1925)

En villégiature à Paris

La Butte-aux-Cailles prend le frais

Le Siècle (1926)

Découvertes de Paris

Paysages tentaculaires

L'ère nouvelle (1926)

Les gosses en marge
par R. Archambault

Paris-Soir (1929)

Promenade à travers Paris

Là où jadis coulait la Bièvre

Le Matin (1929)

La Tournée
par Élie Richard

V - Autour de la Butte-aux-Cailles :

VI - Le Faubourg Souffrant :

XII - Envers de la gloire

Paris-Soir (1930)

Retour à la terre

Ce matin, au bord de la Bièvre, dans les jardins des Reculettes

L'Intransigeant (1930)

Les vestiges
pittoresques du passé

de la Butte-aux-Cailles aux Gobelins

Le Journal (1931)

Claude Blanchard

La Glacière et les Gobelins

Le Petit Parisien (1931)

Paris 1933

Le Treizième arrondissement

Le Journal (1933)

Jacques Audiberti

Les ilots de la misère

Le Petit Parisien (1937)

Saviez-vous que... ?

Une jeune fille du village d’Ivry avait coutume de faire brouter ses chèvres sur le boulevard de la Glacière, auprès de la rivière des Gobelins. Hier soir, à sept heures, au moment où elle se disposait à regagner son domicile, elle a été accostée par un individu qui, après une assez courte conversation, l’a frappée de quatre coups de couteau. La jeune bergère est morte sur la place, et son assassin a été presque aussitôt arrêté. À neuf heures, le cadavre gisait encore dans un champ, au coin de la rue Croulebarbe, où M. Roger, commissaire de police du quartier, dressait son procès-verbal. C’est ainsi que les lecteurs de la Gazette de France apprirent la mort d’Aimée Millot, le bergère d’Ivry. La vérité impose de dire que l’auteur des faits n’avait pas été immédiatement arrêté.

La rue située entre la rue du Château des Rentiers et la rue Nationale fut dénommée rue Deldroux, en 1888.
Deldroux était un canonnier qui, en 1871, préféra, mourir que de rendre sa pièce.

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Bobillot, héros du Tonkin, était prénommé Jules. La rue portant son nom est longue de 1.100 mètres.

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Le 1er mars 1932, l'usine de chaussures (qui répandait aux alentours de manière permanente une odeur de vernis) installée boulevard Kellermann (au 10) était ravagée par un incendie.

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En janvier 1904, la Préfecture de police interdisait à la « Goulue », dont la ménagerie était installée boulevard Kellermann, de continuer ses exercices, tant qu'elle n'aurait pas procédé aux réparations qui lui avaient été prescrites. La sécurité des cages n'était pas, paraît-il, suffisante.

L'image du jour

Je carrefour de l'avenue des Gobelins avec le boulevard Arago et la station d'autobus.