Un jour dans le 13e

 paris-treizieme.fr — La journée du 18 mars sur la rive gauche

La journée du 18 mars sur la rive gauche

Gazette nationale ou le Moniteur universel — 20 mars 1871

Des barricades pont construites sur un grand nombre de points. L’ouvrage qui défend l’entrée de la Grande-Rue de Montrouge occupe une grande étendue ; il possède quatre faces, sur la rue d’Enfer, les boulevards Arago, de Montrouge et d’Enfer. Une autre grande barricade a été élevée non loin de l’église, sur l’avenue d’Orléans. Ces barricades sont armées de pièces de 7.

Des détachements de garde nationale ont occupé les gares de Montparnasse et de Montrouge.

Du côté de la chaussée du Maine, où le chef de légion Henry a établi son quartier général, des barricades sont élevées par la garde nationale et interceptent absolument la circulation de ce côté.

Construction d'une barricade le 18 mars. Dessin d'Auguste Lançon paru dans l'Illustration

En descendant du côté de Paris, dans la direction de la haute Seine, on trouve de nouvelles barricades dans le quartier des Gobelins, sur les boulevards de l’Hôpital et de la Gare.

Devant la mairie du 13e arrondissement, une douzaine de canons sont placés et gardés par autant de factionnaires. D’autres pièces sont braquées devant chaque avenue et chaque boulevard. Une réserve d’artillerie est, en outre, installée dans un terrain vague sur la droite de l’avenue des Gobelins.

Vers quatre heures, M. Léo Meillet, adjoint au maire du 13e arrondissement, fit arrêter les trois commissaires de police de son arrondissement : MM. Dodréau, André et Boudin, et les fit consigner à la mairie à sa disposition.

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Place des Gobelins

Depuis le matin, dit encore le National, plusieurs essais du barricades ont été faits, mais elles sont restées à l’état d’embryon ; cependant une seule se continue dans une petite rue qui ne mène à rien, c’est dans la rue Godefroy située entre le boulevard de l’Hôpital et le boulevard de la Gare.

Cette barricade est mal, mais solidement construite par quarante ou cinquante gamins de 12 à 15 ans dirigés par deux jeunes gens de 18 à 20. Tout ce monde à des pelles et des pioches, et ces jeunes fronts sont baignés de sueur.

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Ce matin, comme signal, quelques coups de canon ont été tirés à blanc.

Mais voici un bien autre incident. A dix heures et demie, un gendarme à cheval apporte une dépêche à la mairie du 13e arrondissement.

On en a arrêté et désarmé quelques-uns depuis ce matin.

Quant à celui-ci, à peine entré dans la cour de la mairie, on ferme les grilles.

Il remet, son message, qui n’est autre que l’affiche du gouvernement.

Un sergent du 176e bataillon vient en faire lecture au public.

— Citoyens, s’écrie-t-il, jusqu’à ce que le peuple ait entendu ce que je vais vous lire, le gendarme sera gardé prisonnier. Alors, d’une voix plus forte encore, il prononce l’allocution, en scandant les passages les plus importants et les accompagnant des commentaires les plus significatifs.

Au nom du général en chef de la garde nationale, tout le monde s’écrie : « Pas de d’Aurelle ! » À ces mots : « Le gouvernement est décidé à agir, » on répond : « Et nous aussi. »

Les signataires de la proclamation sont traités de bonapartistes, de réactionnaires et autres aménités semblables.

On veut brûler l’affiche, mais on se décide à l’apposer sur le mur.

Un artilleur s’en occupe.

Quant au gendarme, on le garde.

Un franc-tireur adresse un speech à la foule et l’on jure de mourir pour défendre la République sociale et indivisible.

De nouveaux gardes nationaux viennent garder la place avec le 185e ; ce sont les 101e et 102e ; au milieu se trouvent des garibaldiens et des mobiles ; on les acclame.

J’entre dans un restaurant pour écrire ces lignes ; un capitaine du 42° vient y blâmer le désordre de la rue. Peu après, un garde national du 101e, sous le prétexte d’y prendre un petit cognac, vient demander au capitaine s’il n'est pas un ancien officier de paix. Le délégué se rend aux bonnes raisons qui lui sont données. Ce n’est qu’une ressemblance qui l’a trompé.

La foule devient plus forte dans la rue ; le calme ne paraît pas prêt à se rétablir. Il est midi.

 



Le 13e avant et durant la Commune
(18 mars - 28 mai 1871)

Saviez-vous que... ?

Le 19 juillet 1927, le nom de rue de Gentilly fut donné à la rue du Gaz. Le nom de rue de Gentilly avait été, jusqu'en 1899, celui de la rue Abel-Hovelacque d'aujourd'hui. Cette nouvelle rue de Gentilly perdit ensuite son nom au profit de Charles Moureu et d'Albert Bayet.

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Le Théâtre Saint-Marcel situé 31 rue Pascal, bâti en 1830, donnait essentiellement des drâmes, des comédies et des vaudevilles de l'ancien répertoire.

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La voie qui prit le nom d'avenue Edison en 1932, devait, initialement relier la place Nationale et la place d'Italie.
Le projet fut brutalement abandonné, ce qui explique l'aspect particulier de l'avenue à proximité de la place d'Italie où quelques dizaines de mètres seulement rester à percer.

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Pierre et Marie Curie, au moment où ils reçurent le prix Nobel de physique « en reconnaissance de leurs services rendus, par leur recherche commune sur le phénomène des radiations découvert par le professeur Henri Becquerel », habitaient au 108 du boulevard Kellermann, alors bordé par les fortifications crêtées de gazon vert, une petite maison dont la façade de brique rouge s’abritait derrière un minuscule jardinet, nid de verdure dont le silence était propice aux méditations scientifiques.

L'image du jour

rue Nationale - Quartier de la Gare (image colorisée)

La rue Nationale était l'axe majeur du quartier de la Gare. La rue Jeanne d'Arc n'était pas encore transversante et était dédiée à l'industrie. La rue Nationale rassemblait commerces et services. Elle était le centre de l'animation d'une vraie vie de quartier populaire qui fut voué à la destruction par son classement en « ilôt insalubre ».  ♦