Un jour dans le 13e

 paris-treizieme.fr — Journée du 19 avril

Journée du 19 avril

Le Siècle — 20 avril 1871

Aujourd'hui, comme au temps du siège, la guerre est le principal objectif du gouvernement de la grande cité. Aux abords de la trouée du chemin de fer d'Orléans, une multitude d'ouvriers sont en train de restaurer les traverses, et les blindages des fortifications ; tout le long des remparts, des omnibus chargés de vivres vont aux divers postes porter la nourriture des hommes de service, et les baraquements, qu'on avait abandonnés après l'armistice, sort de nouveau occupés par les bataillons de garde, et les portes qui confinent à la zone occupée par les troupes de Versailles sont plus sévèrement gardées que jamais.

À la porte d'Italie, va-et-vient très considérable : tantôt ce sont des pelotons de jeunes gens qui vont au fort de Bicêtre pour y recevoir leur équipement, tantôt ce sont des troupes qui rentrent ou qui sortent avec armes, bagages et voitures de transport.

Au moment où nous passons, nous voyons revenir des bataillons qui, depuis une dizaine de jours, occupaient les avant-postes des Hautes-Bruyères et du Moulin-Saquet. Ces hommes, après quelques jours de repos, seront dirigés vers un autre point.

Sur la place d'Italie, stationne une foule immense, qui se prolonge sur l'avenue des Gobelins jusqu'au point initial de la rue Monge ; au milieu de cette foule sont alignés plusieurs bataillons de gardes nationaux, attendant, l'arme au pied, l'ordre de se mettre en marche. — Qu'y a-til donc ici d'extraordinaire ? demandons-nous à l'un des gardes de service. — Il y a, dit-il, que nous allons enterrer deux de nos camarades morts des suites de blessures reçues au combat d'Asnières. Et en effet bientôt nous voyons deux corbillards ornés de drapeaux rouges se diriger vers la mairie du 13e d'où le cortège devait se mettre en marche.

Cette place d'Italie, qui vient d'échanger son ancien nom contre celui de place du général Duval, nous rappelle un autre souvenir de nos discordes civiles. C'est là que, il y a deux cent dix-huit ans, l'armée de Condé vint camper à Paris, après avoir perdu la bataille du faubourg Saint-Antoine. Mlle de Montpensier, qui sauva cette armée en lui procurant un passage à travers la capitale, raconte qu'au défilé de ces troupes devant la Bastille, elle fut surprise d'apercevoir dans les rangs un cavalier qui, quoique tué d'un coup de mousquet était resté à cheval, et par conséquent marchait avec sa compagnie.

À la porte d'Italie, les postes de service ont une surveillance toute spéciale à exercer pour empêcher de s'échapper des hommes de 19 à 40 ans qui, voulant se soustraire au service de la garde nationale de marche, suivent les convois qui se rendent au cimetière extra-muros d'Ivry. Les fugitifs, en se voyant dehors, se croient sauvés ; mais ils comptent sans les factionnaires, les patrouilles et les avant-postes qui, échelonnés jusqu'à plus d'une lieue de là, manquent rarement de les rattraper au passage.

On nous informe qu'il n'est pas beaucoup plus facile de franchir les lignes versaillaises pour venir à Paris.

Un garçon boulanger de Paris, qui travaillait à Sceaux depuis plusieurs semaines, ayant voulu revenir chez lui il y a quelques jours, fut arrêté par les gendarmes à Bourg-la Reine, puis conduit au poste, et de là mené à Versailles où provisoirement il fut mis au violon. Le lendemain on l'interroge, et, sur sa déclaration qu'il est ouvrier boulanger, on l'incorpore au service de la manutention.

Peu satisfait de travailler à Versailles, tandis que sa femme l'attendait à Paris, le pauvre garçon, au bout de quelques heures, sort de l'établissement comme pour aller faire une course ; puis, une fois à quelque distance, il joue des jambes et arrive à Sèvres sans encombre. Là un individu, auquel il se confie à tout hasard, lui dit que pour rentrer à Paris avec moins de difficultés il lui conseillait d'aller à Saint Cloud, où une barque repassait, à sept heures du soir, quelques ouvriers de Boulogne qu'elle passait tous les matins.

Aussitôt il se rend à Saint Cloud par le bord de l'eau, et il remarque que dans toute sa longueur le saut-de-loup du parc est jalonné de sentinelles qui, du fond de cette tranchée, épient ce qui se passe sur la rive opposée. Enfin, à sept heures, la bienheureuse barque arrive ; le pauvre diable monte dedans en même temps que les passagers ordinaires, et le lendemain les gardes nationaux le faisaient rentrer à Paris par la porte d'Auteuil.

Cet homme nous affirme que dans certaines localités voisines de Paris, il arrive parfois qu'on manque des choses les plus nécessaires. Ainsi, à Sceaux, il n'y avait pas de viande le jour de Pâques.

 



Le 13e avant et durant la Commune
(18 mars - 28 mai 1871)

Saviez-vous que... ?

En 1920, on pouvait trouver un avertisseur public d''incendie à l'angle des rues Watt et du Chevaleret ainsi qu'au 31 quai de la Gare.

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En 1929, il y avait encore une maison de tolérance au n°9 du boulevard Auguste-Blanqui. D'après des répertoires plus anciens, il y en avait une autre dans l'immeuble voisin. Ces maisons étaient considérées comme beaucoup plus fréquentables que celles, nombreuses et misérables de la rue Harvey dans le quartier de la Gare.

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Ernest Rousselle (1836-1896) -C'est lui ! - et son fils Henri (1866-1925) étaient négociants en vins.

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Les derniers habitants de la cité Doré quittèrent les immeubles vétustes, délabrés, insalubres et menaçant ruines (l'un d'eux s'était effrondré en 1925 tuant 7 habitants) que la ville de Paris avait fini par acquérir pour les démolir en mars 1926. Selon le Petit-Parisien du 6 mars 1926, il ne restait plus que 22 locataires dans ces « logements ».

L'image du jour

Le boulevard de la Gare (Vincent-Auriol #Paris13) à la hauteur de la cité Doré

... et face à la Raffinerie Say, le tout avant la construction de la ligne 6 du métro.
Les rails que l'on devine au premier plan, en bas à droite, sont ceux du tramway venant de la rue Jeanne-d'Arc.