La question des canons
L’Illustration — 18 mars 1871
L'entrée des Prussiens à Paris a montré com bien était vif, spontané, ardent, le patriotisme qui anime la garde nationale. En une nuit, l’impulsion donnée à la garde citoyenne se communiquait à tous les bataillons. Mais si le patriotisme sut se mettre en éveil, le bon sens sut aussi parler à cette armée intelligente, et, d'un jour à l’autre, veille, astiquant, frottant, cirant, comme pour un l'autre chacun rentrait dans son domicile. Ces deux faits attestent à la fois la vigilance et la sagesse que l'on peut attendre de cette grande armée de la garde nationale de Paris, et donnent une importance considérable à tout ce qui se passe depuis quinze jours à Paris.

Commençons par exposer ce qu'on appelle à Paris la Question des canons.
Sans s'inquiéter outre mesure, la population de Paris s'occupe toujours des armements que Montmartre, Belleville et quelques autres quartiers, persiste à conserver. Nous avons fait connaître les emplacements de ces différentes batteries dans les faubourgs ; nous allons donner aujourd’hui sur ce matériel quelques détails intéressants qui indiqueront sa provenance, sa force et sa valeur pécuniaire.
Les canons dont se sont emparés quelques gardes nationaux, la veille de l'entrée des prussiens à Paris, sont de ceux qui ont été fabriqués pendant le siège par l'industrie privée ou moyen de fonds provenant principalement des souscriptions particulières. Ce matériel a été affecté à la garde nationale formant un effectif de 350.000 hommes, ayant droit, par son nombre et d'après les rapports admis maintenant, à 875 pièces d'artillerie.
La partie de ce matériel déjà terminé a été livré à la garde nationale à diverses époques et réunis à l'avenue de Wagram. Il devait y avoir le 28 février, sur ce point entouré de clôtures et gardé par la Légion de la garde nationale :
Pièces de 7 en bronze ou en cuivre ...................................................... 170
Pièces tubées .......................................................................................... 12
Pièces de divers calibres ........................................................................ 10
Mortiers de 15 ........................................................................................ 50
Obusiers de montagne .............................................................................. 3
Total ...................................................................................................... 245
Plus des caissons, forges, affuts, chariots, avant et arrière-trains etc., etc., dont le nombre n'était pas encore proportionné à celui des pièces, mais où se trouvait cependant l'équivalent de vingt batteries avec armement réglementaire complet. Tout ce matériel sous la garde de la légion d'artillerie de la garde nationale était confiée pour son entretien au soin de quelques ouvriers compétents choisis par M. Tresca, Directeur du conservatoire des arts et métiers .
Enfin, pour terminer de toute cette nomenclature, le matériel d'artillerie attribué à la garde nationale, y compris celui qui n'était pas encore livré, se compose en totalité de
1° 400 pièces dont 256 sont prêtes à entrer en service ;
2° 202 mitrailleuses dont 80 prête à entrer en service ;
3° 50 mortiers ;
4° 3 obusiers de montagne ;
5° Des harnais d'une valeur d'environ 700.000 francs.
Le tout, pièces, projectiles, voitures, attelages, etc. étant évalué à la somme de 14 ou 15 millions. — Ajoutons pour être sincères que la garde nationale n'avait sous sa responsabilité que le matériel réuni avenue de Wagram, sans munitions ni autres accessoires.
Toute l'artillerie qui a été enlevé à ce parc a été transféré par nationaux et autres à Montmartre, à Montrouge, à la place des Vosges ou ailleurs. Ce qu'il y a de certain, c'est que, si les pièces enlevées restent quelque temps encore entre les mains de ceux qui s'en sont emparés, cette partie importante du matériel sera très gravement compromise. Sur ce point, une résolution sera donc urgente.
Cette question nous conduit au point vif de la difficulté. Si les canons de la garde nationale sont là, parqués, gardés, défendus par des postes qui se renouvelle, il faut qu'il y ait quelque part une direction qui s'exercent un département de l'action gouvernementale ; et c'est précisément là le périlleux état de choses créé par ces forteresses improvisées au centre de Paris.
Sous le coup de la poignante émotion de l'entrée des prussiens, deux comités s'étaient instantanément constitués et tous deux inspirés par une pensée unique, la défense de Paris de la République. L'un de ces comités s'appelait le comité central de la fédération républicaine ; l'autre, le comité central de la garde nationale.
Après le départ des prussiens, les deux comités ont continué à fonctionner et à poursuivre l'accomplissement d'une œuvre qui ne tend à rien moins qu’à une réorganisation de la garde nationale en dehors des autorités actuellement constituées. Il suffit d'énoncer le programme et le but de ces deux centres d'action pour en mesurer l'importance et la gravité.
Aussi le gouvernement a-t-il cru devoir ménager les situations, tant du côté des batteries d'artillerie que du côté des comités directeurs. Une note du journal officiel a déclaré que le pouvoir mettait son honneur à fonder la République. Le général d’Aurelles de Paladines a fait la même profession de foi dans une réunion des chefs de bataillon de la garde nationale, et le ministre de l'Intérieur s'est mis en communication avec des membres des comités.
M. Courty, l'un des membres du comité central de la fédération républicaine a fait même connaître dans la liberté le résultat de ses démarches en vue de la conciliation désirée.
« J'espérais, dit-il, dans sa lettre, rassurer les gardes nationaux sur les intentions du Gouvernement concernant le maintien de la République et de la garde nationale, et aussi en leur affirmant que l'indemnité de 1 franc 50 ne serait pas supprimée avant la reprise du travail.
À mon grand regret, je dois vous dire, monsieur le ministre, et vous assurer que partout j'ai été accueilli avec les marques de l’incrédulité la plus complète. Ensuite la nomination d’Aurelles de Paladines comme général en chef de la guerre nationale a encore exalté les esprits davantage.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire connaître avec franchise mon opinion à ce sujet : c'est que l'influence de personne ne parviendra à atténuer le manque de confiance qui existe contre le Gouvernement. »
Les choses ont donc continué à suivre leur cours et la situation est restée la même les deux comités ont même acquis plus de cohésion par la fusion qui vient de réduire les deux centres d'action en une seule association qui prend pour titre définitif : la fédération républicaine dans la garde nationale.
Nous avons assisté le 10 mars dans la salle du Tivoli-Wauxhall, à la réunion qui a voté les statuts de l'association. Ces statuts ont pour objet le maintien de la République et l'organisation de la garde nationale sur des bases absolument indépendante du pouvoir. Cette indépendance, d'après les statuts, serait sauvegardée par l'élection de tous les chefs y compris le général en chef.
Une adresse proposée à l'assemblée, mais qui n'a pas été votée, fait connaître les vœux qui seront vraisemblablement formulés par l'assemblée générale de la fédération une fois constituée. Ces vœux peuvent se résumer ainsi : maintien de la solde tant qu'elle sera nécessaire ; rétablissement des conseils de famille ; installation d'un parc d'artillerie gardé par la garde nationale ; armement des bataillons qui n'ont pas encore de fusils ; convocation des bataillons pour l'élection d'un général en chef.
Ces vœux montrent dans toute son étendue, la crise qui nous menace. Et en effet, tout en admettant comme légitime et profitable à l'intérêt public les réclamations de la Fédération républicaine, il est clair, à première vue, que ces agissements se poursuivent de la façon la plus irrégulière et la plus préjudiciable à la reprise des affaires. Si l'armée, la magistrature, les sociétés commerciales, l'industrie, les associations ouvrières, voulaient chacune de leur côté se constituer en dehors de l'autorité que deviendrait la République ? Ce serait le chaos !
Pas de société sans loi et pas d'existence sociale possible sur l'observation de la loi. Nous n'avons plus d'autre pierre angulaire pour nos institutions que les principes suivants :
Le suffrage universel pour donner la majorité qui fait la loi.
Respect de la loi par la minorité jusqu'elle devienne à son tour majorité.
Hors de ces deux principes, il y a qu’anarchie.
Léon Creil
Le 13e avant et durant la Commune
(18 mars - 28 mai 1871)
Après l'armistice, 28 janvier - 17 mars 1871
A travers Paris
- L’ambulance mobile de la Maison-Blanche
- La question des victuailles (Le Siècle, 8 février 1871)
- A travers les rues bombardées (Le Siècle, 16 mars 1871)
L'affaire des Gobelins
- Proclamation du ministre de l’Intérieur aux habitants de Paris (4 mars 1871)
- Les faits selon le Bien Public (6 mars 1871)
- Lettre adressée au Cri du Peuple (9 mars 1871)
- Proclamation d'Emile Duval (Le Rappel, 9 mars 1871)
- Les canons de la place d'Italie (La Liberté, 9 mars 1871)
- L'opinion du Figaro (11 mars 1871)
- A travers le 13e arrondissement (11 mars 1871)
- Les canons de la Barrière d’Italie (Le Bien public — 17 mars 1871)
- La question des canons (L'Illustration, 18 mars 1871)
Démission de M. Pernolet, maire du 13e
- Démission de M. Pernolet, maire des Gobelins (Le Figaro, 7 mars 1871)
- Un maire bourgeois (Le Cri du Peuple, 8 mars 1871)
- Gazette nationale ou le Moniteur universel, 13 mars 1871
- La proclamation de M. Pernolet
Sur le 13e arrondissement
Du 18 mars au 20 mai
Journée du 18 mars
- La journée du 18 mars sur la rive gauche (Gazette nationale ou le Moniteur universel — 20 mars 1871)
Les élections du 26 mars
Journée du 5 avril
Journée du 12 avril
Journée du 14 avril
Journée du 19 avril
Journée du 4 mai
Journée du 6 mai
Du 21 au 28 mai
Journée du 24 mai
Journée du 25 mai
L'incendie des Gobelins (25 mai 1871)
Le massacre des Dominicains d'Arcueil
Les faits
- Le massacre des Dominicains, récit de l'abbé Grandcolas (L'Illusttration, 3 juin 1871)
- Les Dominicains d’Arcueil (Maxime Du Camp, Les convulsions de Paris)
Le procès (à venir)
- Ouverture du procès : rapport du capitaine Leclerc
- Rapport du capitaine Leclerc, suite, journée du 25 mai
- Audition de Serizier (personnalité)
- Audition de Serizier (interrogatoire au fond)
- Audition de Boin
- Audition de Louis Lucipia
- Audition de Jules-Constant-Désiré Quesnot
- Auditions de Gironce, Annat, Rouillac et Grapin
- Auditions de Busquaut, Gambette, Pascal