Extrait des Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France (Tome 48 - 1925)
III. — De 1800 à 1848.
Pendant un demi-siècle, sauf l’arrivée de Napoléon Ier retour de l’île d’Elbe, rien de bien saillant ne vint agrémenter l’histoire de la barrière d’Italie, dont on changea le nom en celui de barrière Marengo de 1800 à 1815. C’est par la barrière d’Italie que, le soir du 20 mars 1815, Napoléon rentrait dans Paris, presque au moment où Louis XVIII en sortait par la barrière de Clichy ; le Corse n’y devait rester que Cent jours.

Un ancien trésorier de Napoléon, le baron Peyrusse, a laissé un pittoresque récit de cette rentrée : « Sa Majesté arriva, écrit Peyrusse, dans la nuit à Fontainebleau ; après quelques heures de repos, Sa Majesté passa en revue, dans la cour du palais, un régiment de lanciers. Après l’arrivée de la Garde, l’Empereur, apprenant que le roi avait quitté Paris et que la capitale était libre, se mit en route pour s’y rendre. Tous les villages que nous traversions témoignaient la plus vive joie : une révolution sans exemple s’achevait sans désordre. Nous vîmes arriver autour de Sa Majesté tous les officiers généraux résidant à Paris ; une foule immense, plusieurs équipages à six chevaux vinrent au-devant de l’expédition.
« À neuf heures du soir, arrivé aux portes de Paris, l’Empereur rencontra l’armée que devait commander le duc de Berry. Officiers, soldats, généraux, lanciers, cuirassiers, dragons, tous se pressèrent au-devant de l’Empereur... »
Pourquoi Napoléon choisit-il cette date du 20 mars pour rentrer à Paris ? Thiers nous dit que « c’était l’anniversaire de la naissance de son fils et qu’il avait la superstition des anniversaires, superstition ordinaire chez ceux qui ont beaucoup demandé à la fortune et en ont beaucoup obtenu ».
Au bout des Cent jours, c’est encore à la barrière de Fontainebleau que se passe un des épisodes de la reddition de Paris aux alliés. Delvau, très chiche de détails sur notre barrière, alors qu’il s’étend longuement sur l’histoire des autres, se contente d’écrire ceci :
« En se plaçant au point d’intersection du boulevard de l’Hôpital et du boulevard des Gobelins, derrière le grand café qui se trouve élevé juste sur l’ancienne Butte-aux-Cailles, où, — le 3 juillet 1815, le matin de la dernière capitulation de Paris, — étaient deux obusiers et 16 pièces de canon, on a devant soi un superbe panorama.

« Les défenseurs de Paris qui avaient installé ces batteries allaient danser au bal de la Belle-Moissonneuse, et, entre deux contre-danses, faisaient le coup de feu avec les Kaiserlicksqui s’avançaient par les hauteurs de Bicêtre ».
Après ces événements, la place tombe dans un profond oubli ; ses environs étaient d’ailleurs parfaitement déserts, si abandonnés qu’en 1826 on autorisa les sieurs Geffroy et Godefroy à ouvrir dans leurs champs une voie allant de la barrière à une rue appelée rue de la Barrière-d’Italie, actuelle rue Fagon. Cette rue nouvelle prit le nom de Godefroy; elle existe toujours sous la même appellation.
Avec le second Empire commença le règne des guinguettes dans les parages de notre place ; on y remarquait le Tivoli de la barrière Fontainebleau, l’auberge Pradon-Gilbert, le cabaret du Pot-d’Étain, la guinguette du Grand-Balcon...
La Belle-Moissonneuse avait fermé ses portes vers 1823 et, détail peu connu, fut transformée en une salle d’école dont le maître fut Jérôme Duruy, grand-père de Victor, l’historien des Grecs et des Romains, le ministre de l’Instruction publique sous Napoléon III. Il y avait également une guinguette très célèbre aux environs de la barrière d’Italie, celle dénommée la Maison-Blanche ; cette guinguette a très probablement donné son nom au troisième quartier du XIIIe arrondissement ; elle méritait d’être citée à part.
Suite
Sur la place d'Italie et ses abords
Une histoire de la place d'Italie
Extrait des Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France (1925)
- I - Topographie
- II - Sous la Révolution
- III - De 1800 à 1848.
- IV - La seconde République
- V - Sous Napoléon III
- VI - Sous la troisième République (1871 à 1925)
XIXe siècle
- La barrière de Fontainebleau (Alfred Delvau - 1865)
- La première boucherie de cheval de Paris - 1866
- Les nouvelles places de Paris 1866
- Travaux publics - 1866
- Le marché des Gobelins - Le Figaro — 6 aout 1867
- L'élargissement de la rue Mouffetard et l'aménagement de la place d'Italie (1867)
- Les travaux dans les 5e et 13e arrondissements (1868)
- La nouvelle place d'Italie en haut de la rue Mouffetard (1868)
- Les travaux de la place d'Italie (1869)
- La nouvelle place d'Italie (1878)