Le village d’Austerlitz
Paris — 19 août 1884
À propos des travaux de percement des nouvelles voies entrepris du côté de la Salpêtrière, rappelons que les grandes victoires de l’empire et de la République ont daté plus d’une opération édilitaire à Paris.
La bataille gagnée le 9 décembre 1805 sur les armées austro-russes donne son nom, non seulement au pont qui fut jeté sur la Seine à l’extrémité du boulevard de l’Hôpital, mais encore à une agglomération populeuse qui se constitua au sud de la Salpêtrière, à peu de distance du groupe rural des Deux-Moulins. À cette époque, le vaste triangle dont le sommet est à l’ancienne barrière de Fontainebleau et la base au bord de la Seine, avec les boulevards de la Gare et de l’Hôpital pour côtés était en dehors de l’enceinte des fermiers généraux. Sur ce territoire on traça une rue principale qui prit le nom de Campo-Formio, souvenir du traité conclu en 1797, et plusieurs voies secondaires destinées à réunir les deux groupes.
Celui des Deux-Moulins préexistait ; il devait son nom à deux de ces anciens moulins dits « de beurre » ou de « la galette » qui formait autrefois une ceinture des plus pittoresques autour de Paris. La galette, qui y avait depuis longtemps élu domicile s’y est maintenue fort tard ; on mangeait encore avant l’annexion de la banlieue suburbaine celle de « la mère Marie » sous les grands arbres bordant le boulevard de la Gare.

La formation du treizième arrondissement, en 1860, a réuni de nouveau le village des Deux-Moulins et le hameau d’Austerlitz, que l’extension du mur d’octroi, en 1817, avait séparés. Cette séparation les avait dotés d’un assez triste établissement : un spéculateur du nom de Doré — qui n’avait heureusement rien de commun avec le célèbre artiste — imagina de fonder là une cité à l’usage des chiffonniers. Elle se com posait de cinq ou six ruelles le long desquelles s’alignaient des hangars divisés en logements et en magasins à guenilles. Ces divers locaux se louaient à fort bon marché ; mais les conditions de salubrité y étaient déplorables, et plus d’une fois la cité Doré eut maille à partir avec le conseil d’hygiène.
Aujourd’hui toute cette région tend à se transformer : de grandes voies y ont été ouvertes. Les trois rues Pinel, Esquirol et de Campo-Formio sont continuées jusqu’aux fortifications par la rue Nationale ; la rue Jenner a pour prolongement celle qui porte le nom de Dunois, tandis que la rue de Patay, qui part de la porte de Vitry et se continue, sous le nom de Jeanne-d’Arc, jusqu’au boulevard de la Gare, a pour aboutissant naturel le boulevard de l’Hôpital, d’où un plan incliné la conduira jusqu’à la rue Geoffroy-Saint-Hilaire et au Jardin des Plantes. Le hameau d'Austerlitz et le village des Deux-Moulins n’ont donc plus rien de rural ; ils sont partie intégrante de Paris.
A lire également
La Barrière des Deux Moulins (Delvau - 1865)
Les Deux-Moulins et le hameau d'Austerlitz (1884)
Le cabaret de la mère Marie par Ch. Virmaître (1887)
Sur la cité Doré
Le récit
Le lieu
- La cité Doré par Alexandre Privât d'Anglemont (1854)
- La Nouvelle Cour des Miracles. - Revue municipale et gazette réunies — 10 septembre 1859
- La Nouvelle Cour des Miracles. - Réponse de M. Doré - Revue municipale et gazette réunies — 1er décembre 1859
- La Nouvelle Cour des Miracles. - Réponse de la Revue municipale et gazette réunies à M. Doré — 10 décembre 1859
- Le cabinet de lecture des chiffonniers par Charles Yriarte (1863)
- La cité Doré - Journal des débats politiques et littéraires — 22 mai 1882
- La cité Doré par Marcel Edant (Le Petit-Journal - 1887)
- La cité Doré par Jean Soleil (1889)
- Les cabarets de la cité Doré (1890)
- Un coin curieux de Paris (1901)
- La tournée des édiles par Lucien Descaves (1909)
- Trois îlots à détruire d'urgence (1923)